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Jeudi (17/01/08)

"N’est-ce pas sur les ruines de la santé que l’âme ressuscite ?"

Marthe Robin

Ecrit par Jokeromega, à 23:51 dans la rubrique "3.Microthéories".
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Samedi (01/12/07)
Fausse nation, vrai symptôme. Je le jure !

« Comment l'Etat belge a-t-il pu perdurer 177 ans ? » se demandait, ahuri, un humble observateur du Web. Je ne suis pas grand connaisseur d’histoire belge, mais je suis Belge... Voici ma version des faits.

La Belgique fut longtemps pays de cocagne. Dans ces conditions – c’est-à-dire tant qu’elles perdurent – le gâteau est facile à partager. Les Flamands fin XIXe début XXe fournissaient de la main d’œuvre pas chère aux mines et de braves poitrines aux tranchées, parfois gaspillées à cause d’ordres mal compris, administrés en français à des Flamands par des officiers francophones. Hé oui !… Les premiers cris que poussa Belgique, en 1830, s’imposèrent d’emblée en la langue de la diplomatie internationale, cette langue si chère à Molière et Racine, et ce, tant chez la bourgeoisie francophone que chez sa consœur flamande. Bref, le français régnait, altier, impérieux, triomphant, en dépit des « dialectes » locaux. C’était l’époque de la grande révolution industrielle, elle battait son plein au sud du royaume (wallon) et les patrons en quête de bons bras battaient campagne au nord (flamand). C’était l’époque… Aujourd’hui l’opulence a changé de camp. Candide, on pourrait imaginer que les bons bras en fassent autant... Sorte de subtile chassé-croisé, échange de politesses, ballet de compétences, mais vous vous doutez qu’à l’heure de la mondialisation ce ne sont pas les bons bras qui manquent... Le marché de la main d’œuvre est fluide, avec ou sans la Belgique. Alors, les Flamands s’encombreraient-ils de cousins européens attardés assistés au seul motif de la solidarité ? Mais quelle solidarité ! Les Flamands ont peu à peu pris revanche sur leurs anciens « dominants ». D’ailleurs le légitime effort d’affirmation culturelle flamande fut salué par les intellectuels wallons bien-pensants (avec petit rictus). Bravo ! exprimez votre spécificité. Chapeau l’artiste ! dans un premier temps… Mais la félicité forcée fut de courte durée. Lamentations et crachats succédèrent aux louanges. Le Vlaams Belang n’est pas l’époux – même en mariage à chambre séparée – que le Coq espérait ! Le Wallon, de nos jours, yeux humides, tend les bras vers feu sa dulcinée... Pourquoi ! pourquoi ! Il ne comprend pas ! Pourquoi tant de haine ? Pourtant je suis ouvert, je les aime ! mes amis du nord... dans la construction imaginaire que je m’en fais de loin.
Ça ne vous rappelle rien ? Moi si, et j’ai tellement hâte que les premiers partis identitaires des zones sensibles émergent à leur tour, non pas à la flamande et pour bien d’autres raisons qui sortent du cadre de ce témoignage. La lâcheté, la rêverie, la fraude, une fois de plus, comme toujours en Histoire, seront alors justement rétribuées, et autrement mieux rétribuées ! par nos amis du Sud profond. Je sens qu’on va très prochainement rigoler à gorges déployées (et couteaux tirés), ô cruelle ironie.
Mais revenons-en à nos moutons du plat pays. Alors, Belgique, où en es-tu ? L’éclatement ne date pas d’hier… L’Etat éclata dès les années soixante, et ça couvait depuis belle lurette. L’instauration du fédéralisme, présenté comme une réponse, une parade au déchirement, un accommodement raisonnable avant l’heure, nous le savons à présent, fut un cache-sexe apposé à l’échec du projet « Belgique ». Le fédéral sursaut était un sursis terminal. En lâchant du leste aux révoltés pour éviter la rupture, il les enfermait définitivement dans leur autarcie. Chacun apprit à vivre sans l’autre. Les communautés, au départ peu communicantes, n’avaient désormais plus rien à se dire. En somme, la coquille avait été vidée (de quoi ???) mais pas brisée. Les apparences, l’armée, la monnaie et le roi étaient sauvegardés.
L’eau coula sous les ponts coupés... Et voici ! quelques années plus tard, nous sommes passés à l’Euro, notre armée s’est reconvertie dans l’humanitaire, et le roi, soi-disant ciment de la nation, demeure élevé en la langue de Molière ; ceci dit on l’immerge promptement dans le flamand, sa première langue étrangère. Quant aux apparences, le drapeau aux douze étoiles a pris le relais. Jamais vous ne trouverez plus convaincu européen que le Belge. Issu du lamentable échec linguistique, le joyeux lustucru se réfugie parmi les tendres sirènes de Bruxelles. Cocu ! Il s’imagine pallier à mal par pire ! (typique réflexe de cocu)
Côté Wallonie on se gargarise de la Diversité. Vive l’Europe des 27 ! Encore ! on redemande ! C’est bientôt Noël, donne Sarko ! donne-nous la Turquie que tu boudes faussement en vraie courtisane libérale que tu es, et attache à notre remorque l’Union méditerranéenne, passe aux aveux ! Eurabia, parée des ses atours, trépigne !
Côté Flandre, on songe que l’essor économique succéda à l’autonomie. Fort logiquement on se dit qu’indépendance rime avec opulence. L’incurie wallonne se fera sans Vlaanderen ! mais bien plutôt avec United colors of Eurabia. OMC en force ! ONU dans les parages… Flamand cocu aussi !
La dette ! souffle-t-on, la faute à la dette ! Ce n’est pas faux, la dette joue son rôle, et pas qu’un peu ; les Flamands en ont marre de casquer pour des Wallons gangrenés par trente ans de socialisme destructeur, producteur d’assistés, de malversations politiques, de copinage façon république bananière, et d’esprit intellectuel français gauchisant (les Wallons, en manque d’imagination, sucent souvent les mamelles idéologiques de Marianne la décadente).
Au sud règne une culture latine, si j’ose dire, à la française post 1789, post 68, post amour de soi. Les Wallons sont mous et inconscients d’eux-mêmes. On les dit chaleureux. En effet, ce sont de bonnes pâtes. On en fait à peu près ce qu’on veut, du moment qu’ils touchent leurs subsides.
Au nord on lorgne de l’autre côté de l’Atlantique, mélange de libéralisme dynamique et fierté identitaire assumée.
En vérité ce qui maintenait la cohésion d’intérêt, pour ne pas dire la collusion à peu de frais, c’était Bruxelles, capitale historique de la Flandre mais peuplée à majorité francophone. Les deux mères oseraient-elles trancher bébé en deux ? Tel fut le dilemme. Sinon dites-vous bien que l’affaire fût réglée depuis longtemps, à la tchécoslovaque ! Or, voici ! à présent, sept des dix premiers prénoms octroyés à la naissance puisent au réservoir dialectal arabo-musulman. M’est avis que les Flamands commencent à se dire que BX est cause perdue, enfant bâtard, relique empoisonnée. Evidemment le Lion cherche à préserver son domaine de compétence – et de future souveraineté – mais je suis persuadé que dans les esprits du nord l’attrait de Bruxellistan s’estompe d’heure en heure, au fur et à mesure que l’inéluctable, l’implacable rouleau compresseur africain opère ses méfaits démographiques en territoires occupés. Avez-vous jamais visité les quartiers ? Barbes et kebabs garantis !
Tôt ou tard, la Flandre ira aux Flamands et à eux seuls, la Wallonie aux Wallons et Bruxelles aux imams et aux commissaires. Même sans les touristes il y a autant de diversité à Bruxelles qu’à Alger lors d’une visite de l’UE. Nous en sommes là (et de plus en plus bas). C’est aussi simple que ça. C’est déjà le cas ! Il ne reste plus qu’à ouvrir les yeux, enfin ! et régler les modalités financières du divorce.
Sachez que la Belgique est un intéressant cas clinique. Elle ne saurait tenir lieu de synopsis au Système, le Machin de Bruxelles, car sa modestie l’en préserve, mais elle fournira aux amateurs de fiction spéculative un assez bon prélude. Jadis, la Belgique donna naissance à un avorton. Aujourd’hui l’actualité nous apporte sur un plateau doré la preuve qu’aucune bureaucratie au monde, aussi accommodante et aberrante fût-elle, ne saurait indéfiniment cacher la forêt du vide de son petit arbre mesquin, et ce, même à tendre bien fort ses branches hypertrophiées, ses tentaculaires mensonges.

Jokeromega, futur ex-Belge, Européen bientôt minoritaire, témoin oculaire.
Ecrit par Jokeromega, à 17:07 dans la rubrique "2.Intellections".
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Jeudi (01/11/07)
Lettre du cancre

Je suis un poète boiteux,
J’écris la main écorchée,
Pourtant je l’ai cherchée !
Mais elle a ri au malheureux,
La haute prosodie pour oiseux.

Cher Taratata, ne m’en veuillez pas !
Ces mauvaise métrique et faibles rimes...
Sont les tristes clochements d’un infirme !
Vous m’honorez de votre présence de goujat, –
C’est déjà ça !

Je suis si comblé à ras bord,
Enfin ! un technicien de l’âme,
Dénonce mes fausses gammes,
Connaisseur, il sert la vis bien fort.

Manque de rigueur ! dites-vous,
Auteur du dimanche ! j’entends,
Et vous tends la manche... à Vous !
Qui savez par cœur, si intimidant...

Monseigneur, ne crache point !
C’est peut-être de la soupe,
Mais c’est la mienne d’épice,
Avec ou sans rimes...
Ecrit par Jokeromega, à 11:51 dans la rubrique "4.Si j'étais poète".
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Vendredi (19/10/07)
Passe le mot

Elle est marche de la mort,
Combien de corps ! et toujours encore...
Non ! ne regarde pas en arrière,
Ne t’arrête pas ! ne lâche pas l’affaire ;
Ton affaire !

La vie est une longue marche...
En troupeau de solitaires.
Refuse ! Assez de démarches.
Pas le temps pour s’attarder,
Il faut exister !

Va ! ne t’occupe pas,
Les misères écopent à tous,
Personne leur met la frousse,
Alors chacun chez soi !

Dans son cœur, au secret,
Les pleurs sont meilleurs.
Le reste n’est que pitrerie,
Poésie ! émoi de l’indiscret.

Mais chacun pour soi !
Ne fait pas une loi,
Car sans les regards...
Impossible d’exister !
Or les bouches ont peu d’égard,
Leurs rictus nous empêchent de respirer.

Le sale dilemme... voyou !
Je ne trouve pas l’équilibre,
Il échappe ! l’oppression est partout.
Je veux vivre ! j’en suis ivre.

Je veux vivre ! toucher le ciel.
Nez à nez avec l’univers,
Dis-lui combien tu as souffert ;
Marchande un sursis existentiel !

Donne ! ne retiens pas !
Donne ! n’aie crainte !
Je ne serai point ingrat,
Ne sois pas une feinte !

Mais le destin tergiverse,
Il mijote, il réserve, il chuchote.
Parle plus fort ! chochotte...
Le suspens me transperce.

Vous comprenez ?
Vous le comprenez ça ?
J’ai tout donné !
Et bien au-delà...

J’ai traversé la solitude,
Elle devint ma concubine ;
Nous vivions de rapines,
Espoirs... langueurs... déboires,
Nous cherchions l’interlude,
Menteurs ! elle est ma sœur,
Je suis son frère,
Des siamois...

C’est la vie du poète,
Pas coupable ! simple témoin ;
Son inspiration vient de loin.
Si loin !
Une succession délétère.

Que d’aventures ! autant de gerçures...
Le poète soulève le cœur...
Prise d’otage ! profiteur,
Il s’ouvre les meurtrissures.

Vicieux ! Le mal fait carrière.
Afin de puiser l’artiste s’enfonce,
Jetez-lui des fleurs ! il cherche les ronces...
Chercheur de misère, sans aucune barrière.

La vie est une longue marche à plusieurs,
Chacun grignote un bout de chemin,
Il laisse des traces, des miettes, le marcheur,
Le flambeau passe de main en main.

La mort partage le temps de travail,
Elle redistribue ! sèche tes larmes,
La mort rend la vie précieuse.
Mortel ! proscris ton gaspillage,
Vas au but, à l’essentiel !
Vise et frappe la cible.
Frappe !
De toutes tes forces,
De toute ton âme,
Frappe !
N’attend pas !
Ouvre la porte !
Frappe !
Oui ! Tu es en vie.
Entends-tu ?
En vie ! En vie ! En vie ! Pour toujours !...
Enfin ! sache-le : Tu es !
Entends-tu ?
Tu es !
Entends-tu ?
Tu es !
Entends-tu ?
Alors tends l’oreille,
Et passe le mot.
Ecrit par Jokeromega, à 22:27 dans la rubrique "4.Si j'étais poète".
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Lundi (15/10/07)
À deux doigts de craquer

Plus que l’intelligence,
C’est l’énergie,
Et un zeste d’extravagance,
Qui fait le génie.

Je suis au bout du rouleau,
Pourtant il faut remplir la page,
D’une histoire légèrement anthropophage,
Elle me bouffe les cartilages,
Je nage sans air et sous l’eau.

À chaque jour suffit sa peine,
Oui, je veux bien ! mais le calendrier s’acharne,
Je paie le prix fort... je me décharne.

Certes la flamme vacille dedans l’obscurité...
Vois ! La lumière t’attend au bout du tunnel ;
La lampe du génie partage ton intimité !
Mais ses piles ne sont pas éternelles...

Recharge ! recharge-toi ! s’embrase ton être !
Frappe ta poitrine et marche !
Ne jette pas demain par la fenêtre !
Il te réserve la plus belle des arches !

La vie humaine est si dure,
Humains ! humains ! écoutez :
Elle est si dure...
On se bat pour exister ;

Un souffle ! Quoi de plus ?
Nous voilà définis, circonscrits...
Nous voilà dans de beaux draps !
Pour nous point de répit.

Lisez... lisez ! Blogueurs, voyeurs, amis lecteurs ;
Je sais ! toi aussi dans le secret,
Ton âme s’agite et prend peur,
Je sais ! les hommes fuient comme des voleurs.

Vends-moi un peu de tranquillité !
Prête-moi un faux-semblant !
Ils implorent le divertissement ;
Au réveil ils préfèrent la surdité.

Je sais ! ces malheureux vont très mal,
L’espoir les a grugés, il a menti ! il a triché !
Dans nos cimetières chacun est fiché...
Bienvenue en terre occidentale.

Mes frères adorent l’euthanasie,
La souffrance leur fait horreur,
Ils n’assument plus la vie,
Tueurs ! dans le ventre de ma sœur...

Tueurs ! joyeux tueurs !
Par amour humanitaire !
Qui ouvrent leur cœur,
J’ai tout vu ! leurs vipères...

Après le cœur les frontières ;
Aimons-nous les uns les autres !
Oui ! Tout ! tout sera ouvert !
Du déluge ils sont l’apôtre.

Chez Nous la honte fait rage,
Esclavage, colonies et Shoah,
Que de péchés en héritage !
Dieu est mort !
Tous nos péchés...
Rupture d’antéchrisme !

Venez à moi ! opprimés ! mes petits...
Venez piller le blanc pécheur,
Crapule ! il vit sur votre labeur...
Coupable ! Parole de Trotsky.

Les envahisseurs se frottent les mains ;
Voilà une proie qui creuse sa tombe !
On n’a jamais vu ça !
Le mouton fournit le couteau...

Aiguisez ! Nos mères avortent,
Aucun danger ! Nos filles vomissent,
Et les quartiers débordent,
D’une boucherie les prémisses...

Les futurs cadavres baissent le regard,
Vite ! aux urnes ! politique de l’autruche,
On reconnaît un cocu à son canular,
Interdiction de réel, bouche cousue, on se mouche !

Sinistres. Nous sommes sinistres.
La bande de rats quitte le navire,
Où sont les officiers ? plus de chef !
Mais présents ! pour les griefs...

L’horizon s’obscurcit de jour en jour,
La funeste machine fonce vers le mur,
Affamée, elle dévore les récalcitrants,
Je t’implore ! est-il encore temps ?

Où que tu sois... émerge !
Peut-être moi... peut-être toi,
Où que tu sois... émerge !
Console notre désarroi.

Qui sait ?
Un jour, des ruines...

Ecrit par Jokeromega, à 23:16 dans la rubrique "4.Si j'étais poète".
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Jeudi (02/08/07)
Méfiez-vous du petit sommet d’iceberg, les arroseurs seront arrosés

--> épisode 3 (nouvelle mouture)

Les voisins d’à côté gueulaient. Une gueulante de film d’horreur. Je savais vraiment pas ce que je foutais là. Bon, c’est bien la porte d’entrée du nid familial ? J’étais de retour, et savais toujours pas ce que je foutais là.
" WOH ! WAH !... WOH WAH HI !... TIENS ! prends ça ! Hein que t’en veux cochonne ? "
Je reconnus, l’oreille collée à la porte, la voix suave et virile de Rocco Siffredi.
" A-a-a-a-a-ah ! Ouuuuh... Ouuuuuiiii... répondit la bergère au berger, OUI ! OUI ! OUI ! ! !", souffla-t-elle encore, hors d’haleine. " Comme... ÇA ! Maintenant mets-là dedans. "
Il s’exécuterait, fidèle serviteur, mon voisin qui se prenait pour Rocco le prince de ces dames.
Je trouvai refuge en notre appartement. Le doux nid familial, en définitive, procurait encore la meilleure des prises de tête. Laisse tomber les sorties... Rien de tel que mon père... Le chef, figé devant son poste, un vieux matos d’avant le numérique – il ne voulait rien savoir de ces " petites choses de branleur " – dormait paisiblement ; la fée cathodique avait versé le sommeil sous ses paupières. Même programme que notre voisin... on voit ça d’ici. La fille de joie suce en vain. Toute une vie, et jamais son existence se relèvera. La joie aux autres... à peine, vite fait ! déjà affligés, eux aussi... Il rit mon salaud ! Tout sursauté dans son rêve. Papa rit des larmes ! Le visage carrément fauché... La crotte de l’autre ça le bidonne ! Torché complet ! Il croit s’en laver les mains mais ce qu’il sait pas, des pognes de dégueulasse c’est fait pour la merde, toujours. Misérable diable ! marrant comme un jocko, chauve ! presque édenté ! Il ouvre les yeux, me surprend à le mater... éclate de rire... c’est reparti pour un tour. D’autres acteurs d’autres voyeurs, la roue tourne.
Je sautai sous mes draps. Ce soir c’était ça.
Je fus réveillé de bonne heure par l’ami Matebe. 7h30. Mon compteur de sommeil devait afficher dans les 25 minutes de répit. Juste assez pour se réveiller en sursaut, stressé et plein d’irritation.
" As-tu vu mon ami – à tout hasard – l’heure qu’il est ?
– Ouvre tes oreilles ! ", abrégea Togo d’un air sérieux et comique, son visage s’animant sur l’écran tactile de mon PDA. " Des gars louches quadrillent le secteur. Toute la sainte putain de nuit mon vieux ! Ils ont rendu ses lettres de noblesse au tapage nocturne. Enquête sur enquête, ils agressent tout le monde... Un Négro à eux s’est fait plier. Le coupable présente le profil d’un Blanc à vélo, la vingtaine cheveux courts, court vite et sait se battre. Les Renois ont confisqué son vélo et souhaiteraient le rendre au propriétaire. T’aurais pas une ’tite idée duquel cycliste ? "
J’avais intérêt à maintenir tranquille mon visage à l’autre bout de l’écran. C’est le problème de la technologie... on l’a pas vu venir, elle s’est infiltrée sournoisement, on s’est ruinés pour se payer un mouchard à domicile.
" Au-cu-ne idée Togo. J’y vois que du feu mais je fouille de mon côté. O.K., on fait comme ça ?
– Du feu ? Vraiment Billy ? "
Il avait insisté sur le Billy.
" J’en sais autant que toi. To-go. "
Je lui renvoyais la balle. Je le testais. Plus personne avançait de paroles. L’échange coinçait. J’aurais dû me méfier. Un Toubab sera toujours un Toubab. Il en est ainsi depuis l’époque fort reculée... Au Mali déjà, les médecins, les toubabs, avaient tous la peau blanche. Tous ! C’est ça le Toubab, c’est de là qu’il vient. Oui oui mon fwrèr... ça nous situe au bon vieux temps. Ensuite vint l’émigration destination l’Europe. En somme, la colonisation inverse. Friands de métropoles et d’assistance, les voyageurs s’entassèrent à Panam. C’est logiquement que leurs mômes appliquèrent le verlan parigot à l’idiome africain. Voilà ! J’étais devenu babtou. Son Babtou. Quoiqu’à la vérité Togo jacte le Swahili de RDC. Mais bon, l’idée est là. J’étais un petit Blanc...
Finalement mon Congolais rompit le silence de son rire granuleux.
" Je t’ai bien eu ma poule ! Qu’est-ce tu croyais ? Mais, entre nous, c’est gros Boris qui risque de grogner. Son vélo que sa maman lui a offert ! "
Gros Boris, 150 kilos à jeun, m’avait prêté son vélo sentimental.
" Stresse pas Billy... à part moi qui sait ? En même temps c’est vrai qu’ils ont la haine – tu vois la tempe ? juste au-dessus, la toute grosse veine. T’y es pas allé de main morte.
– Je te remercie pour ton soutien. Je n’en attendais pas moins de ta part Togo, sale enfoiré de Négro de mes deux ! "
Togo eut du mal à se rattraper, plié en deux, puis en quatre, non pas que mon humour raciste fût désopilant mais depuis qu’il avait évoqué gros Boris la banane ne laissait pas de lui chatouiller les commissures. On sentait que ça voulait venir... Quand j’avais commencé à me fâcher (pour de faux) Togo s’était lâché (pour de bon). Il ne nous en fallait pas plus. On se comprenait. C’est l’humour des gueules cassées.
" Je vais plonger quelque temps.
– Oublie pas d’emporter un tuba.
– Très drôle Togo.
– T’énerve pas. Si ça part en vrille j’enfile ma cape de Zorro.
– Inquiète pas. Je gère moi-même, quand on a merdé faut savoir torcher.
– Tiens-moi au courant.
– Je n’y manquerai pas mon ami.
– À plus cousin. "
J’avais mis le pied dans une sacrée bouse. Pour la troisième fois en moins d’un an je m’attaquais à qui il fallait pas. Dans mon biotope seuls les Caucasiens sont abordables... faut-il encore s’en mettre un sous la dent ! Où dénicher ? Ils sortent rarement de chez eux, en général à l’occasion de leur déménagement. Voilà, je m’étais attiré des ennuis pour les longues nuits d’été. Mon dossier s’étoffe, songeai-je les larmes aux yeux, ça devient du lourd !
J’avais beau me faire mousser je n’en menais pas large. Les petits rebelles dans mon genre se font, tôt ou tard, rattraper au tournant. Un jour ils passent le portique du bloc les bras débordant de commissions pour leur maman, là où une vingtaine de racailles font le pied de grue. Passage obligé... T’as intérêt d’avoir tes papiers en ordre. Sinon c’est l’amende et les points de suture. Je connais les habitudes de la maison. Non, je n’oublierai pas mon tuba, même si c’est le masque à oxygène qui m’est promis. D’ici là, si vous le permettez, je vais taper des longueurs dans ma piaule. Merde, c’est ras-le-bol ! On s’enlise. Tout fout le camp... comme toujours, les civilisations empoussièrent, tombent en friche... repli, oubli, vendu ! Plus personne rien foutre ! La Belgique est une mauvaise invention et le Pays de la guillotine se guillotine lui-même. Pourtant, tout bien pesé, ce n’est pas si grave. Toutes les peaux accueilleront des rides... C’est la seule vérité. Les artistes se trouveront toujours sous les peaux, toujours, sous toutes les peaux. Les cultures ! les cultures iront crever. L’artiste d’y survivre, telle l’étoile brillant malgré le crépuscule... Illuminera à jamais, bien après sa mort, au loin fin fond des mémoires, pour qui apte d’en recevoir le signal de rémanence, cette lumière posthume et nomade. Éternel souvenir immaculé. La culture en revanche, cette décadence annoncée, qu’en pouvoir sauver ? On échoue à se sauver soi-même... Et nous prétendons que perdure ? L’audace manque pas. Soit. J’écartai un tantinet la tenture. La journée arborait ses nuages matinaux, léger gris sur fond blanc, assez cotonneux dois-je dire, et du bleu dans les quelques rares trous. Quelques taches noires : un banc d’oiseaux passait par là. Du gris encore, un peu plus bas, en-dessous : les blocs à nous. En fait, tout cela ne présente strictement aucun intérêt. Je n’aime pas la nature. Je suis pas contemplatif moi. J’appartiens au XXIe siècle. Je préfère quand les pixels frétillent. Je suis le poète aux mégabits. Bon, très bien, et côté EuroNews qu’est-ce que ça raconte ?
Rubrique Perspectives. La chaîne d’information paneuropéenne vantait les chantiers extrême-orientaux. Cette fois on y est, les gratte-ciel vraiment grattent le ciel... à qui mieux mieux la gratte, à croire que les hommes cherchent des poux aux nuages. La nature se prend des liftings.
Le sujet suivant abordait une catastrophe humanitaire à l’ébauche. Quelque part sur le Continent noir la guerre civile faisait rage. Conflit subitement réveillé suite à de louches élections ; on dénombrait environ 2000 morts chez les rebelles animistes chrétiens et plus de 700 dans les rangs de la milice présidentielle islamiste. Heureusement la journaliste garde le sourire. Il y a de quoi. La France éplorée, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, use de son droit de " veto " et ne manque pas de vivement condamner les " velléités d’ingérence " du président américain. On chuchote sur les fora initiés du Web que le géant américain du pétrole, ExxonMobil, chercherait à supplanter son homologue français Total. Trois jours plus tard intervention de l’Égypte à l’Assemblée Générale de l’ONU qui ne boude pas son plaisir : chaleureux applaudissements et, à la sortie, accolades nombreuses entre dirigeants du Tiers-Monde, Ligue arabe au grand complet et représentants d’ONG altermondialistes, tandis que la Chine, imperturbable, poursuit tranquillement son commerce équitable en respect de la diversité des matières premières. La Russie appelle à la raison et au calme. Sur les plateaux de télé parisiens des philosophes engagés, des militants associatifs et des médecins sans frontière se chamaillent à propos du bourbier et de sa sémantique. Génocide ou pas génocide ? L’historique de la région est succinctement retracé. Razzias, massacres, esclavage, viols et autres joyeusetés émaillent depuis des décennies, des siècles et à vrai dire depuis que l’Afrique existe, le quotidien des locaux. Les enragés du Bien dans le monde, confrontés à l’indescriptible horreur, bouches bées, œil humide, se font peu entendre. La caméra se promène dans le publique, insiste sur quelque figure féminine affligée, évitant soigneusement sa contrepartie masculine généralement indolente. C’est horrible. C’est toujours la même chose. C’est trop triste. Le micro passe de main en main parmi le public. " La paix dans le monde est-elle possible ? " Les experts tergiversent. L’un d’entre eux, révolté, résume la situation globale à trois lettres : USA. Le jour où on fera tomber l’Empire du mal une impérieuse paix recouvrira le monde. D’ailleurs TV5MONDE annonce que Tsahal (cette officine de la CIA) a encore frappé. Sept morts trois civils deux enfants. Le membre du Hamas visé a semble-t-il échappé à l’attaque. La Communauté internationale condamne fermement cet acte déplorable. Toujours les mêmes ! vous dis-je. Les pacifistes n’avouent pas tous, mais chacun d’entre eux pense à l’axe américano-sioniste. Pour ma part, si la notion de " Communauté internationale " m’échappe, en revanche j’en connais une de résistante à l’Empire qui en a pour son argent. Cousine Charlotte ! Charlotte m’avait bien dit que la roue a tourné. À présent les rescapés d’Auschwitz pogroms et consort sont passés de l’autre côté de la cheminée, si j’ose dire. BAM BAM BAM ! ! ! Les Nazisionistes alignent les nouveaux Juifs, à présent musulmans, comme des pigeons. Malheur aux prospères ! Les soupçons alors s’intensifient. Prenez plutôt des Palestiniens... si délabrés... ils contrastent, et comment ! Le vent a changé, les cendres de l’Holocauste virevoltent ailleurs. L’imperceptible inversion... Hamas et Hezbollah constituent un partenaire autrement plus crédible, les associations de défense des droits de l’homme ne démordent plus. Tous les critères sont rencontrés. Pauvreté, exotisme, détermination. Qui saurait encore pleurer un Lévy ?... Bierbaum ?... Goldmeyer ? Est-ce une blague ? Pareils fats, opulents, puissants... et si peu coopératifs, toujours entre eux. Ces hommes sont inéligibles à l’humanité. Il ne se trouve pas sur terre plus parfait salaud. En plus si ils se mettent à taper à côté...
En gros, c’est ce que nous enseignait le système médiatique français. Mais il n’opérait pas tout seul, Al-Jezira défendait un point de vue assez similaire, légèrement partisan certes, mais assez lucide, à la française.
Tout cela commençait à sérieusement me taper sur les nerfs. Je me sentais de plus en plus juif. Par esprit de résistance. Ce peuple admirable avait tout traversé. Exodes, discriminations, Génocide, et finalement la haine d’un milliard de fous furieux... RESPECT. Inutile de goûter au reste de l’actualité, la France n’est que le sommet de l’iceberg européen, nos valeurs n’en finissent plus de couler et comble de l’ironie, la moitié des Juifs intellos, tous plus gauchistes l’un que l’autre, y participe, sapant chaque fois que possible le moral des troupes et, ce faisant, creusant leur propre tombe à venir très bientôt : lorsque – enfin ! – cet ignoble Occident se sera désoccidentalisé une bonne fois pour toute. D’ici là nos amis éclairés inlassablement désossent le vulgaire bout de viande avarié, sans se laisser décourager le moins du monde par les multiples démentis de la réalité, connaissant qu’un jour régnera la joie du multiculturalisme, du multiethnicisme, bref la joie du multiracisme.
Amusez-vous tant qu’il est encore temps ! Ce cadavre sur lequel vous dansez sera le vôtre ! Juif de gauche ! : ta gorge sera la première à goûter du cimeterre.
Mais il existe un autre archétype de Juif. Le " Juif de droite " qui, à l’instar de tout Juif qui se respecte, se présente sioniste en Israël ET exige en dehors d’Israël que soit respecté, protégé et chéri l’Occident millénaire SELON sa spécificité nationale séculaire, avec tout ce que cela suppose de réalité historique et ethnique. Contrairement à Juif de gauche qui professe aux autres ce qu’il ne s’appliquera JAMAIS à lui-même, ce Juif-là que j’ai baptisé " de droite " mais serais avisé d’appeler par son vrai nom : Juif d’avenir – seul Juif possédant un avenir – ce Juif-là dérange.
Évidemment qu’il dérange ! c’est le seul Juif qui a un avenir ! Ce n’est pas, on s’en doute, pour plaire à tout le monde... Quant aux autres Juifs, de " gauche " ou de tout ce que vous voulez, tout ce ramassis de fesses molles au cerveau corrompu n’agacent à la vérité jamais qu’en superficie, car tout antisémite un tant soit peu visionnaire sait que leurs actions dégoûtantes les placent en première ligne de leur propre fourberie (pour les uns : Juifs de gauche de façade), et de leur propre bêtise (pour l’écrasante majorité des autres : Juifs de gauche idiots utiles). Mais LUI, Juif intègre et authentique, lui pose VRAIMENT problème à tous les épris d’universel total, tous ces amoureux fous aveugles de l’humanité avec un grand H comme dans Haine de l’autre, Haine du discordant, Haine du résistant, bref Haine du spécifique. LUI, ce Juif des origines, des racines et de la mémoire souvenue et assumée, LUI c’est le BIG problème. Y a comme un malaise. Or nous vivons le règne du no malaise. Il incombe de résoudre l’inadmissible problème. Chaque représentant de la paix dans l’univers exige une Solution... à laquelle apposer son point Final. " C’est si simple, me confiait Charlotte encore hier, il suffirait qu’on vive tous ensemble. Ce sont ces putains de murs qui foutent la merde. "
Ma cousine a bigrement raison. Petite futée va... Suite à quoi les dictatures arabes tomberont l’une après l’autre. N’est-ce pas ?
Je renonçai à m’informer.
La sage initiative tombait à point nommé car maman interpellait.
" On bouffe !
– J’arrive. "
Je descendis la bectance en deux minutes montre en main et pris congé de table, empochant au préalable un multivitamines sans sucre ajouté. J’installai le portable sur mes genoux et mes fesses sur le fauteuil club. Le curseur patientait mes instructions.
Pas de geste brusque, songeur, j’attendis l’inspiration. L’écriture est un acte d’isolement. À moins que l’isolement soit un acte d’écriture.
Loin des hommes loin des morts.
On passe sa vie à refouler mais un jour ça remontera et on sera tout seul ce jour-là. Le libre penseur finira libre et seul. Parfois je me demande dans quelle mesure il est encore possible de me proclamer représentant de celui que j’ai été. Une rupture a éventré mon identité, je suis un autre, une altérité. Ce constat rend comme un goût schizophrène à l’histoire de mon existence. Mon existence... J’encode "existence" dans la fenêtre de recherche Google. L’encyclopédie libre Wikipédia se hisse seconde d’un instantané recensement de 300 millions de pages. J’appelle le lien hypertexte ; de fil en aiguille me voilà à potasser l’Existentialisme. Il faut savoir que mon premier contact avec l’illustre philosophe germanopratin se nomma La nausée. Par hasard dois-je dire : une antique édition héritée d’un oncle à mon père, le tout fourré dans une grosse caisse crasseuse. Outre la pile de Playboy avait émergé l’ouvrage racorni. Je ne fus pas déçu. Quel esprit d’analyse ! Playboy, une valeur sûre. Sur ma lancée j’avais alors tenté le Sartre pour voir. On ne sait jamais... après tout, soyons ouvert. Arrivée page 40... dans un premier temps. Un peu guindé, non ? Mais on se remotive malgré tout, parce que tout de même, au nom de la réputation ! Reprenons depuis le début.
Six mois plus tard... page 13. Je résolus d’en rester là. La philosophie ? Pas mal le trip, mais si c’est pour consacrer sa vie entière à gratter des choses douteuses à l’attention de lecteurs non moins douteux, autant passer directement au roman, ça évite de barber tout le monde et d’attirer les vicieux.
J’observai à nouveau ce qui se tramait derrière ma fenêtre. Le bleu avait conquis le ciel, seule une trace blanchâtre subsistait, qui découpait le bleu avec rectitude. Un avion. La journée s’annonçait magnifique. Il était hors de question que je sortisse. Il suffisait d’une infime variation de luminosité pour que trente-six mille sourires en débardeur déboulassent de partout. L’ignoble épandage... C’est alors que je reçus un appel en ligne anonyme que ma curiosité me poussa à accepter. Je pris la précaution de limiter l’échange au mode phonétique.
" Billy ? Je suis bien chez Billy ? "
Cette voix désagréablement familière... Je cherchais à lui mettre un visage. Je l’avais sur le bout de la langue !
" Billy ! Quelles nouvelles ? Tu te caches ou quoi !
– Vivons heureux vivons cachés. "
Je faisais le malin sans pour autant élucider le personnage mystère. Un violent rire éclata à l’autre bout du fil.
" T’as pas changé Billy. L’intact sens de l’humour !
– On fait ce qu’on peut.
– Quoi de neuf sinon ?
– Je pense. " Silence. " Oui c’est ça. Je pense. " Un silence embarrassant vite terrassé.
" Billy, j’ai un super coup ! En Chine mec, une affaire du tonnerre... Mon vieux ! t’en reviendras JAMAIS. "
Les gens et leurs histoires, en effet, je n’en désirais plus revenir. Mais Paul Clémors collait comme une mouche à merde. Une incontestable mouche à merde. Persistante, opiniâtre, une mouche à projets. Il souffrait d’une sinusite ; sinon j’aurais reconnu ce salopard depuis longtemps.
" Le zinc mon pote, le zinc !
– Le zinc ?
– Le cuivre aussi !
– Le cuivre ?
– L’aluminium ! Et le nickel ! On sert d’intermédiaire... point barre. "
C’est vrai me dis-je, le cours en bourse explose à plus savoir.
" Alors vieux briscard, dit-il, c’est tout ? rien se passe dans le caleçon ? "
Il devait se dire que j’étais bien rouillé. Je cherchai un mensonge de circonstance pour me dépêtrer.
" Tu sais, dis-je, j’ai un tas de plans. "
Mensonge bien trop vague. Billy... Tu crois que Clémors va comprendre qu’il s’agit d’une fin de non-recevoir ? Laisse-moi rire.
Je me rendais compte après coup. C’est-à-dire une phrase trop tard. Une phrase de trop. La mienne qui plus est. J’avais créé le boulet qui servirait à m’enchaîner le pied.
" Tu sais comment, Paul. Les plans ça accapare tout le jus. C’est fou ! même la nuit j’en rêve... "
Raté. Une fois de plus j’avais raté le coche. J’avais regretté cette énième tentative avant même de la finir. Je sonnais creux. Les humiliantes explications... On finit par ressembler à rien. Ce n’est pas grave ! Monsieur Clémors ne se démoralise pas si facilement ; j’aurais dû le prévoir. Le seul bon mensonge est le mensonge définitif. Un mauvais mensonge crée des appels d’air.
" Tu m’étonnes ! s’exclama Paul, lâche le morceau ! Tes plans : je suis preneur.
– Paul, Paul, Paul... Mais mon cher Paul, les projets ça ne se raconte pas. C’est les victoires qu’on célèbre. "
J’étais inspiré. Malheureusement lui aussi.
" Ha ! fit-il, ha ha ! je te reconnais bien là. "
Il allait repartir. Je finis par arrêter ma pensée.
" Tu es bien le seul.
– Oh ! J’allais oublier Billy... ça m’est complètement sorti de la tête. Priyanka m’attend pour dîner et... "
Cette fois le message était parvenu à destination. Son heureux destinataire cherchait donc une excuse.
" ...ses parents ont débarqué de New Delhi hier soir. Je t’avais dit pour ma nouvelle ? A-d-o-r-a-b-l-e.
– Eh bien, Paul, c’est chose faite. "
Si après ça il n’était pas refroidi...
J’avais réussi. L’ambiance pesait ; de part et d’autre. Paul liquida l’affaire.
" On se reparlera Billy. Je te maile courant de semaine. Bonne chance ! "
Parfois je souhaiterais non pas la mort de tous ceux qui concoururent à cette sinistre farce mais bien leur néant pur et simple. C’est fou comme l’existence bascule, un rien et on n’en revient plus. Un jour on se met à penser et le lendemain on est condamné. Tous ces gens qui pensent ces choses sur nous, ces dossiers dans leurs mémoires, les monstres, ils nous déforment ignoblement. Chaque rencontre mutile. On ne sort jamais indemne de l’autre.
Les souvenirs se mirent à repasser, et repasser...

Ecrit par Jokeromega, à 08:22 dans la rubrique "1.La farce des abîmés".
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Vendredi (27/07/07)
Une aiguille dans une botte de camés

--> en réaction au même fil de discussion!

Le Tour de France, à l’image du sport professionnel dans son ensemble, constitue la version terminale de la perversion vénale de notre époque. La pomme a de beaux restes, j’en conviens (quels mollets ! quel paysage ! et surtout quel sacrifice !), mais le ver mercantile a pris des proportions pantagruélique... on se croirait dans un remake de Dune ! Parbleu, je vous le dis, nous avons affaire à un ver dopé !
Quant à l’acharnement antidoping dont le Tour est victime, j’estime que, à l’instar de ce qui naguère frappa Virenque, cette soif de propreté ne fera sens QUE lorsque la chasse aux sorcières s’appliquera à l’ENSEMBLE de la classe sportive professionnelle globalisée. Jusque-là je ne vois que deux poids deux mesures et n’entends que cris d’orfraie avec bouc émissaire à la clé.
Mais de toute façon le sport professionnel n’est jamais que le reflet exacerbé de notre société malade, hypertrophiée, contaminée, corrompue, qui bombe le torse devant les caméras et vit l’enfer dès que celles-ci s’éloignent ; bien souvent les " stars " déchues ne survivent guère, ou de la plus misérable des manières, désormais à l’ombre des objectifs.
C’est notre société entière qui se pique. Des images, que des images, les millions de spectateurs n’ont que ça en tête. Au fond dopage ou pas peu importe, ce qui compte c’est l’exploit ; ce qui se trame en cuisine le fan ébahi non seulement s’en contrefout mais préfère se coudre les paupières et se boucher les oreilles et le nez. Pendant que la bête humaine s’injecte du sang neuf à l’EPO le monde du spectacle, journalistes, amateurs et autres politiques s’en lavent les mains. " Faites-le pour nous mais sans nous ! "
Les tests antidoping sont la caution bonne conscience de ce système hypocrite. Ils servent à légitimer, à resserrer les boulons en apparence, à motiver toujours un peu plus loin la recherche de substances illicites indétectables. C’est la vertu qui rend hommage au vice.
NON. Le sport pro n’est qu’un symptôme d’une vaste fumisterie généralisée, épidémique, proliférante et chaque jour appelée à empirer. La terre fume et l’homme est le roi des junkys.
Que je me tienne aux faits ? Mais le peuple n’a de seul mérite, vis-à-vis de la bourgeoisie " intellectualisée ", que son ignorance toute prête, à la première occasion, à s’intellectualiser à son tour. Je vous l’ai dit : Une vie d’amusement prépare à l’esclavage. Je n’ai jamais cru à cette légende de l’ouvrier aux instincts préservés. De tous les hommes l’ouvrier est le roi des esclaves. Aussi soumis qu’une femme ! L’esprit syndical je vais vous dire ce que c’est : c’est madame qui grogne sur monsieur. Ni plus ni moins. Sachons évaluer le mérite de sa grève et sa grogne à sa juste valeur, à son juste symbole. Aucun Soral ou autre cadre du FN " vive le vote ouvrier " ne me la fera. Car je connais que l’ouvrier est, a été, et malheureusement risque encore longtemps d’être le marchepied du bourgeois. L’un ne va pas sans l’autre !
D’ailleurs les sportifs de haut niveau sont à leur immense majorité des prolétaires starifiés. Tout comme les prolétaires realtivisés, staracadémisés, Jean-Lucdelaruisés.
Cette foire d’empoigne médiatique a un nom, ou plutôt un valet : l’écran. C’est l’écran qui colporte la mauvaise nouvelle, c’est lui qui encense les faux prophètes, c’est lui abreuve les âmes vacantes. Le sport professionnel est une filiale parmi d’autres, lui qui décolla grâce aux Canal + du monde. Retransmission en direct et coupure pub. La recette n’a plus de secret pour personne et pourtant il semblerait que bien peu l’ont en tête lorsqu’il s’agit de raisonner tel ou tel microphénomène. Ne vous laissez pas impressionner par l’événement. Il est un arbre tapageur qui cache la forêt du vice.

Pour finir, si vous considérez que la France d’avant c’est prolo la picouse acclamé en montagne par prolos désert spirituel ; alors cette France-là n’a que ce qu’elle mérite : les barbares.
Un vide, quel qu’il soit, est TOUJOURS un appel d’air.

Ecrit par Jokeromega, à 08:43 dans la rubrique "2.Intellections".
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Jeudi (26/07/07)
TF1 n’est qu’une mise en bouche qui défonce le palais

--> écrit en réaction à un fil de discussion

Le péril de produits tels que TF1 ne réside point dans la façon qu’ils ont de remplir leurs consommateurs, mais dans le vide qu’ils y laissent, vide propice à la seconde phase : celle d’Arte et compagnie, lorsque le téléspectateur trop gavé, par un soir d’orage existentiel, soudain pris de nausée, fait sa crise de foi. Quelle frousse alors ! c’est la course folle aux raisons de vivre. Sa voix tremblote, frémit ! " Par pitié donnez-moi, mon Seigneur que j’ignore, ne fût-ce qu’une raison de survivre. Je suis fatigué du bonheur fourni en kit. Je suis fatigué des malheurs que PPDA me proposent. Je suis à bout de cet hyper monde moderne aux couleurs, aux sons, aux saveurs, aux formes et atomes aseptisés. Donnez-moi autre chose ! Je désespère, seul et sans recours, seul et sans soutien. "
Les " Entertainers " comme vous dites, type Madonna et consort, brûlent leur jeunesse et celle de leurs groupies par les deux bouts et, passé la quarantaine, se réfugient chez le premier gourou venu. Qu’il s’agisse de gourou " hindou ", gourou " muslim ", gourou " paix dans le monde ". Âmes désespérées, affamées mais au palais défoncé par l’american way of life – c’est-à-dire sa caricature Mac Donaldesque – les malheureux se jettent dans la gueule du premier loup venu. La première Réponse sera fatalement la bonne ! réponse toujours absolue, totale, omnisciente, soulageante, expresse. Il ne saurait en être autrement ! Ces êtres faibles, pressés de se sauver de leur propre néant, choisissent TOUJOURS la voie rapide, directe, intégrale, celle dont le brillant éblouit le plus, celle aussi, apparent paradoxe, qui paraît si inaccessible, si obscure, si ésotérique. Mais à la vérité l’abscons met le monde entier à égalité face à son mystère. C’est pratique de se sentir moins con après une vie de conneries ! L’adepte ne doit pas comprendre, il se laisse prendre. Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui plus que jamais les faux prophètes et les théoriciens du complot affichent complet. Toute sa vie le spectacle a pris Homo Festivus par la main ; ça fait sa vie entière que les paillettes et les effets spéciaux l’ont mijoté ; pensez bien, il est fin prêt avant d’avoir commencé ! Ce grand myope qu’on a aveuglé de fausse lumière depuis la plus tendre enfance, enfance indéfiniment artificiellement prolongée, se laisse prendre comme il faut car c’est à travers l’invisible et lui seul qu’il voit clair. C’est soulagé du pénible et rébarbatif travail de réflexion que l’ex-fêtard élucide enfin l’univers et la joie de vivre. Monsieur ne creuse pas, monsieur trouve. Monsieur ne fouille pas, monsieur met à jour. " C’est fou ! s’écrie-t-il aux anges et aux nues, le flou a disparu ! " Et voici que notre fou furieux (pour certains) ou notre fou moelleux (pour d’autres, c’est selon affinités) plonge la tête baissée dans les bras de la fée Morphée, enchanteresse si apte à lui endormir la douleur de sa misérable condition humaine ; la sorcière bien-aimée lui tend un miroir opaque, dans lequel l’assoiffé découvre tous les mirages compensateurs de sa vacuité. Frappants et sibyllins ! se présentent les attributs de son oasis. Tout est dit. Après une vie de bamboche les amateurs de tous les TF1 du monde se retrouvent invertébrés, sans structure, infondés... NADA ! Leur âme siège sur du sable... elle ne peut que stagner dans la pensée mâchée ou s’effondrer dans les mouvances occultes.
Une vie d’amusement prépare à l’esclavage.

Je n’ai rien d’autre à dire que paix à leur inâme.
Paix aux mort-nés.
Puisse leur règne s’achever au plus tôt !

Ecrit par Jokeromega, à 00:53 dans la rubrique "2.Intellections".
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Mardi (24/07/07)
Une passerelle vers l’émotion

Cher lecteur,

Sachez que les hommes politiques sont des putes d’un genre spécial. Des putes qui baisent leur client.
Moi, artiste, impudique par excellence, je suis bien pire ; je ne me contenterai pas de votre voix – je veux votre âme.
Pour atteindre à l’œuvre je suis prêt à tout, même sucer vos sentiments. Il n’en reste plus rien ! Je les siphonne. Vous acceptez ? Car vous deviez passer par là.

On ne sait lire que ce qu’on aurait dû soi-même écrire.

Les salons du livre sont une aberration.
Les dédicaces se ressentent. Impossible de les fixer sur le papier.

Quand j’écris, je ne fixe pas une idée. Je fixe les étoiles.

L’Éternité appartient au Tout-Puissant. Il m’a laissé les miettes de la postérité.

Assez de religions ! Donnez-moi de la spiritualité.

La subtilité est offerte par Dieu. Afin que tu la lui communiques, l’homme te prête sa culture.

Je n’ai jamais été et jamais ne serai un intellectuel. J’ai toujours voulu et préféré vivre. Mais, en mal d’exister, je fus contraint à l’écriture. C’est pour bien le faire que je m’intellectualise.

Au diable la peinture ! la musique ! le cinéma ! Tous ces arts reviennent au spectateur.
Au Verbe le Je.

Au commencement était le Verbe. Le Verbe est Je. Au commencement était le Je.
C’est pourquoi Il a dit : Je suis Celui qui suis.

Écoutez-moi bien : il ne se trouvera en moi pas une once de catholicisme.
Je laisse le rite aux humbles et le Vatican aux touristes, et me charge du miracle de la grâce.

Quand j’aurai fini mon roman les poules auront des dents.
Le point final est une invention de l’homme.

Les aphorismes sont des émotions pures.
C’est pourquoi il n’en faut point abuser.
Ils finiraient par écœurer...

Et si vous me rétorquez en savoir lire comme ça pendant des heures, c’est que, je vous le dis, vous avez de l’estomac. Cependant, par méfiance des goinfres, je m’arrête là.

Votre obligé.

Ecrit par Jokeromega, à 21:21 dans la rubrique "3.Microthéories".
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Vendredi (20/07/07)
Ton parapluie et ton bunker

--> épisode 2 (nouvelle mouture)

" Dites monsieur Destouches, quelles sont, selon vous, les qualités essentielles qui fondent un écrivain ?
– Oh ma p’tite dame, ça... On est taré, vous comprenez, on est taré. Voyez-vous, si on avait su jouir comme tout le monde, on aurait fait notaire, avocat, professeur... homme d’affaires ! Mais non, on a la tare, on ne sait pas jouir. Alors on l’écrit. "
J’aimais à fouiller la toile, y dénicher la pépite, la cinématique d’avant réseau, dûment numérisée. Le réseau archivait le passé et préparait minutieusement le souvenir de chacune de nos existences. Octet après octet. Blogs après blogs, journaux sur journaux, chroniques, portails, annuaires, messageries, forums, podcasts... Les archéologues de demain, songeai-je, s’équiperont d’un clavier. Aucun doute, l’internaute le plus insignifiant participe en temps réel à la mémoire de l’humanité.
Une brutale intervention chassa ces songeries de mon crâne.
" Hwu !... HWU !... C’est pas possible ! saloHWU!perie d’estomac. "
Francis, pris de hoquet, m’apportait un morceau de réalité. Son morceau de réalité.
" Dis dont m’gamin, qu’est-ce que ti m’fous là ! Hein ? Toudi à scol... "
Mon père s’exprimait en patois quand l’urticaire lui démangeait. Il ignorait que je séchais les cours depuis – grosso modo – cinq ans.
" Ça te mène où tout ça ? "
Excellente question. Justement, ça – ce cursus scolaire – ne menait plus nulle part, dès lors qu’on avait décidé d’élever son âme. Chaque jour autodidacte supplémentaire m’en apportait la preuve. Naturellement, il va de soi que ce genre de subtilités JAMAIS n’atteindraient le cerveau militaire de Francis, immunisé pour toujours contre les sottises philosophiques. À mauvaise fortune bon cœur, j’hasardai quand même une réponse, la voix solennelle :
" Papa, je vais te dire ce que je fous. "
Impressionné par ma pompe, Francis recula de trois pas. J’épelai lentement :
" Je fous que j’ai envie d’exister. "
– Ah ", dit-il. Sa voix lente et profonde... " Exister. C’est pas un peu risqué ? Ah ! C’est l’âge... Plus un mot ! " Il flanqua sa main énorme sur mes fines lèvres. " Ils sont là ! murmura-t-il, ils sont... LÀ!! " répéta-t-il encore plus bas, fébrile, transi, prêt à faire un carnage.
Les (grosses) séquelles de la guerre... Le plus grand tact du monde me serait sans secours. Jamais il n’admettrait souffrir d’hallucinations post-traumatiques.
" Djeu ! rugit-il, silence... " Susurrant. " On s’fait repérer... " Sa lame se glissait sous ma gorge, longue et aiguisée chaque matin sur sa meule ; l’objet coupant, TRÈS coupant, m’invitait trente ans plus tôt dans les grottes de Tora Bora à même pas dix kilomètres de la frontière pakistanaise. Melvin, le black de l’équipe, avait entendu parler d’un fabuleux trésor caché... La joyeuse troupe de gros bras s’était précipitée sur l’hypothétique butin. Ils cherchèrent longtemps... et finirent par trouver la mort ; aucun des mercenaires improvisés chercheur d’or n’était revenu – en un seul morceau c’est-à-dire – de l’expédition, sinon le seul l’unique, l’inusable Francis mon géniteur Godefroy Leskens.
" Compton ! " lançait-il dans son anglais cassé. À chaque rechute " Lossanjelaisse capitale mondiale du gangstérisme " revenait hanter nos dîners à la chandelle (interdiction de se faire repérer). " Trou pourri d’une ville de tarés !! On n’a même pas vendu notre âme au diiiia-a-a-a-ble ", gémissait-il d’une voix frémissante. Il me prenait par la main, m’approchait de lui, je pouvais sentir son haleine alcoolisée. Il déclarait soudain : " On l’a vendue à un stupide singe. "
Melvin avait fumé bien trop de PCP dans son enfance. Ce magnifique abruti chantait à qui voulait l’entendre que mommy foutait du hennessee dans son biberon pour calmer les nerfs de Evil Baby.
" Les Afros ont la langue créative... Bon Dieu ! alors imagine sous l’effet... Cet enfoiré tirait comme une cheminée, mieux qu’un Afghan ! t’aurais dû voir ça mon petit, les gars du coin hallucinaient ; un fou pareil ? jamais vu ! il suçait la pipe à opium comme une actrice po... enfin voilà ! un sacré nègre à la con. "
Si on se fait repérer (dans son rêve), me dis-je, je suis un homme mort. Il me fouillera de sa lame bien réelle.
J’en profitai pour faire mes prières. Maman me rejoignit dans cet effort, tâchant de ne pas trop déranger le forcené ; on se tenait gentiment la paluche sans ciller. Nous voilà enfin réunis tous ensemble, me consolai-je, il ne manque plus qu’une photo de famille pour immortaliser l’instant.
DRIIIIIIING ! ! !... ding.
Quand la sonnette et Francis sursautèrent comme un seul homme, je divisai mon espérance de vie par deux.
L’homme au long couteau aiguisé se figea, tel un prédateur aux aguets. Puis, lentement, éberlué, l’animal se déplaça sur la pointe des pieds, se laissa choir dans son fauteuil et téta un grand coup pour se remettre de ses émotions. Jupiler, la bière des hommes.
Je l’avais échappée belle ; la surprise l’avait sorti de son delirium. Je me précipitai à l’avant du logis, et d’accueillir mon sauveur.
" Togo ! "
Mon visage se lâchait d’un immense sourire de soulagement.
" Salut Billy ! "
Le sourire de Togo s’étendait à son tour.
" Un problème au rasage ? " Togo indiqua la trace rougeâtre. Papa avait, semblait-il, perdu la main. Parkinson se déclare ? Décidément un très mauvais coup de dés.
" En forme ?
– On verra Togo. "
Deux heures plus tard nous étions fixés.
" En forme le Billy ! Malgré tout... " Mon partenaire se félicitait. Nous avions traversé la ville à petite foulée, traçant jusqu’au parc. On s’était étirés avant de passer aux choses sérieuses. Barres parallèles, tractions, flexions, sprints sur escaliers. On prenait de la masse et de l’explosivité.
" On se défoule. Pas vrai Togo ? "
Nous arrivions à la dixième série. Les muscles commençaient à brûler. Je flottais sur mon nuage.
" Alors Billy, tu passes à la salle demain ?
– On verra.
– C’est bon, se résigna Togo, j’ai compris. " Avait-il compris ? C’était mieux que non. J’avais soupé de mes semblables. Ils m’avaient gavé. Mais c’était pas une raison pour qu’ils le sachent.
" Allez, fis-je, on bouge. "
On bougea jusqu’à la cité. Au pied de la barre il m’interrogea.
" Je te revois quand ?
– Je l’ignore Togo, je l’ignore. "
Togo me scruta. Quelle foutue mouche t’a piqué ? pouvait se lire sur sa bonne bouille malicieuse. Il se doutait de quelque chose mais ce quelque chose lui échappait. Alors il employait le langage du silence. Un silence qui en disait long. J’y coupai court.
" Togo !... Je t’enverrai un SMS.
– Comme la dernière fois ", se désabusa-t-il, lassé de mes bobards. Il connaissait que je n’étais plus fiable question rendez-vous. Plus fiable du tout. Qu’y ajouter sinon un vilain rictus ?
Togo Matebe, â Togo, Togo... On est les vagues d’une veille marée, cette histoire est l’écume d’autant de tempêtes... déjà s’affaisse. Rappelez-moi de vous parler du colosse d’ébène. Un jour au détour d’un chemin, route faisant nos destins se télescopèrent. Le reste, que d’histoires !
Togo s’était retiré ; l’écran m’hypnotisait.
" Que désires-tu, ma chérie, pour ton Noël ? s’enquérait une mère attentive.
– Des fesses comme J-Lo, rétorqua la fille.
– Et moi ! et moi ! tempêta le petit frère, pas cadeau ? J’étais sage ! "
La mère prit l’enfant sur ses genoux :
" Pas avant tes quatorze ans Ludo, tu es trop jeune.
– C’est dans combien de temps quatorze ans ?
– Dans neufs ans ", l’informa sa grande sœur.
Les sanglots éclatèrent sur-le-champ.
" Je veux un menton comme Achille ! Je veux ! je veux ! je veux !... " Tirant les cheveux de sa mère. " J’étais sage ! sage ! sage ! SAGE ! ! ! J’avais pas laissé dans mon assiette... tous mes Big Mac – mangé ! Tu avais promis... "
Dix minutes plus tard – trois mois dans le reportage – la petite Cendrillon se réveillait sur un nouveau derrière. Son jeune frère accusait une sévère crise de jalousie suivie d’une dépression carabinée ponctuée par une double tentative de suicide. Cependant tout rentrait dans l’ordre grâce aux psychologues spécialement attachés aux candidats de télé réalité. C’est du moins ce que laissait entendre la bande annonce du prochain épisode.
J’ignorai le générique de fin pour échouer, au hasard, sur un programme sportif. Écran fendu en deux, la fiche statistique annonçait la couleur : 20 ans, né en Arizona, 1m95, 200 kg. L’athlète se positionna sous une barre longue de deux bons mètres maintenue sur cage à squat. C’est le moment que choisit le régisseur pour passer en plein écran. De nombreux disques lestaient cette barre. " 12OO pounds !! My god... " s’égosillait le commentateur sportif d’ESPN. Deux coéquipiers assistèrent notre athlète dans sa prise : fardeau sur les épaules, derrière la nuque, retenu de part et d’autre par la paume des mains. Tandis qu’ils s’écartèrent la caméra recadra sur le seul colosse qui lentement descendit fesses aux talons avant de péniblement remonter. Poussant, poussant, poussant... Voilà, ça vient. Hourras et embrassades.
Eurosport France proposait quant à lui l’interview exclusive de Zinedine Zidane.
Zizou, Français d’origine algérienne d’origine kabyle, semble un peu perdu. Les journalistes se félicitent de son calme. " Un exemple pour la jeunesse ", dit l’un, " un modèle de réussite ", dit l’autre. Un troisième pousse un peu le compliment en évoquant un " mythe absolu. " Je baille et laisse mes doigts pianoter à souhait sur la commande.
" Belle, protectrice, écologique. " La voix off ne tarit pas d’éloges. " Audi S8. Pourquoi s’en passer ? "
Je pianote.
" Selon vos désirs. "
Je pianote encore.
" Un produit unique pour une existence unique. "
Je zappe jusqu’à atterrir au beau milieu d’un débat de société. Un jeune homme habité s’empare du micro :
" J’en ai rien à secouer ! Je fais ce que je suis. "
Applaudissements. Je consulte ma montre ; c’est l’heure du JT.
" Selon l’INSEE, annonce le présentateur vedette de TF1, 7 français sur 10 divorcent dans les 5 premières années d’union. "
Je prends peur mais son collègue d’Antenne Deux me rassure.
" Sur dix ruptures un seul couple aura eu le temps, malheureusement, d’enfanter. "
Ce n’est pas nouveau, les Européens veulent passer la main aux Africains. C’est beau l’entraide des peuples.
Je mets la console en veille. Ça me turlupine. J’ai des flashs (et quelques spasmes). " Taré/unique/désir/divorce/enfant/mythe/taré/unique/désir/divorce "... Je crois que je tiens enfin mon histoire. Une histoire à cinq protagonistes. Maxime, son pote Louis ; Emma et sa petite sœur Chloé ainsi que Jade leur meilleure amie.
Mes doigts courent sur le clavier.
Maxime apostropha Louis. " T’es qu’un taré.
– Rien à battre ; je suis unique. "
Louis roulait calmement son pet, Jade lui fit signe qu’elle désirait goûter en premier. C’est donc elle qui alluma le cône.
" Sacré bob ", conclut-elle en expirant d’extase le poison. Maxime n’avait quant à lui pas quitté son narguilé. Emma, blottie contre son sein, pipait sporadiquement.
" Je voudrais une chiée de gosses ", susurra-t-elle à l’oreille de Maxime. Mais Chloé, 12 ans, avait la fine ouïe. Aussi Chloé s’indigna.
" T’as pété un câble !
– Complètement jetée ", que Jade paraphrasa. Jade était donc du même avis que Chloé. Même Louis alla dans leur sens.
" Vous inquiétez pas les gars, Emma a juste le feu au cul. "
Cette révélation confirma les craintes d’Emma – à présent sur la défensive. Faisant fi du bourdonnement des rires, elle perdit la notion du temps et des sons ; elle ne s’aperçut pas que Jade l’adressait.
" Ouais poulette, disait Jade, pourquoi tu lances des horreurs pareilles ?
– Laisse pisser, tranquillisa Maxime.
– Ouais, ajouta Chloé, puis chier des mômes c’est pas plus con qu’autre chose. "
Emma, attristée, n’avait rien écouté, absorbée dans ses propres chimères, elle qui désirait tant baiser avec Maxime. Depuis son gâteau à quatorze bougies la semaine dernière y avait eu comme un déclic ; elle se sentait libérée. D’ailleurs elle prenait la pilule sans faute. Mais un bébé, tout de même, elle s’imaginait bien. Que c’est grave ringard elle en avait rien à secouer. " Je suis unique ", se jurait-elle en son for intérieur.
" Nos parents ont brisé hier soir, déclara Chloé tout de go, ça faisait dix-huit ans.
– La vache !
– Purée !... Tout ce temps ? Ils ont dû méchamment se les geler.
– Tu parles ! s’esclaffa Chloé, j’avais mal aux boules. Mais là trop cool, maman va se remettre avec un Valentin.
– Tu veux dire... " Jade était stupéfaite. " Un vrai de vrai ? Un Valentin avec la pompe et le carburateur ?
– Carrément... confirma la sœur de Chloé. "
Chloé en profita pour avouer qu’elle avait toujours secrètement rêvé d’être " une fille à son papa " mais Jade n’était pas du même avis.
" Un père, pourquoi pas, mais pour quoi faire ? A part des gros renvois tu ne rates rien. Crois-en mon expérience.
– Laquelle s’entiche avec un ceum ? demanda Louis.
– Ben tu sais, répondit Chloé, forcé que ce soit maman Brigitte. Maman Pauline nous a toujours certifié qu’elle est pour toujours notre papa. C’est pas demain la veille qu’elle fricotera avec un bonhomme.
– Tu m’y fais penser ! La Pauline devait pas passer sur le billard ?
– C’est pas remboursé... Je t’avais dit pourtant. T’as oublié ou quoi ? "
Louis présenta ses plates excuses, il avait " trop la tête dans le cake ". Le bédo déchirait. Tout le monde, d’ailleurs, planait pas mal, même carrément à l’ouest.
" Ça t’envoie sur Krypton !
– Dis plutôt que ça vient du Maroc... "
Maxime se félicitait du savoir-faire marocain.
" Le Maroc... reprit Emma, ce serait des vacances ça.
– Au lieu de se faire super chier avec ses vieux en Egypte. "
Nos cinq jeunes gens partirent en vrille de rires indomptés.
" Ouais, fit Maxime, on le vaut bien. "
Fin du script. Mes doigts se reposèrent délicatement sur le clavier sans plus enfoncer aucune touche.
Tandis que je relisais silencieusement ce premier jet une voix au-dehors interrompit mes corrections.
" Nique sa mère aux chtars ! "
Plusieurs cris remontaient, entremêlés, du contrebas.
" Les pompiers avec ! – Et la sœur à Majid ! "
Sur cette dernière grivoiserie un chœur de ricanements fit entendre son allégresse.
Un double constat s’imposait. Primo, nous étions mal insonorisés. Secundo, l’immigration n’était pas sans présenter quelque risque. Le civisme souffrait...
Je mâchouillai une sucette sans sucre, songeant avec un pincement au cœur au Saint Empire Romain, son éclatement et la formation de grandes et belles nations. Mais franchement !... fulminai-je en moi-même, l’Européen ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Ça lui apprendra à élever l’Individu au-dessus de tout en dépit du bon sens. Bon, élever, c’est pas mal – faut-il encore savoir au-dessus de quoi ! Les élites nouveau cru ont estimé de leur noble devoir d’élever leur vil peuple au-dessus de lui-même, tellement au-dessus de lui-même qu’il fallait que l’ignoble créature sortît d’elle-même, qu’elle se fût extraite d’elle-même, de sa fange raciste, antisémite, intolérante, égoïste, méfiante, xénophobe et cætera. Résultat des courses, non seulement nos " élites " ont abaissé le peuple, faisant de lui un bébé sans goût, assisté et pleurnichard, mais elles-mêmes se sont vautrées plus bas que terre, devenant des mères poules castratrices, tantôt hystériques tantôt cyniques désabusées.
La sucette n’était pas terrible mais, anxieux, je la tournais et retournais sous ma langue. Bon Dieu ! songeai-je, c’est ce qui arrive quand on prend ses rêves pour des réalités et qu’on ordonne aux autres de faire le même rêve.
" Aucun goût cette sucette ! Pouah... "
Je balançai la camelote dans ma corbeille à papiers.
La bouche vacante, ma méditation cherchait à se mettre quelque chose sous la dent.
Comment ! comment ! interpellai-je mon attention... Comment intégrer dix millions d’âmes égarées lorsqu’on a désintégré deux mille ans de civilisation ? Alors assimiler... – n’y pense même pas ! De ce mouvement egocratique à l’œuvre, les faibles ne peuvent que mal finir. En prison ou au loft. Chacun accouche de lui-même par lui-même. Comme si l’inculture effectuait une boucle sur elle-même. Chaque jour des associations de crétins en tout genre militent avec acharnement au nom de la diversité et des acquis sociaux. Je me demande ce que nos progressistes de choc vont bien pouvoir nous diversifier avec tous ces clones engendrés par leurs soins. " Nous sommes tous égaux ! " Très bien, montrez-moi donc, ma curiosité s’aiguise, comment s’y prendre pour diversifier l’identique de l’identique. J’attends ! Bon joueur, je vous laisse le bénéfice du doute ; vous, alchimistes de l’humanité, avez peut-être trouvé une recette miracle... Prudence ! Une recette progressiste qui échappe à mon petit esprit perclus de vieilles tambouilles. Ou mieux ! Peut-être même vous trouvez-vous aux abois, peut-être même enragez-vous car votre gros pif subodore malgré tout qu’il s’agit de la fin de race. Votre fin de race.
Vous l’aurez pas volé celle-là !
Peut-être... mais consolation amère. Le champ de bataille s’est mondialisé. Cette guerre de libération amorale n’épargnera personne. Ses retombées ne feront pas de discriminations... C’est le genre de libération où t’apportes ton parapluie et ton bunker.
" Ti vas la fermer ! Karba !... "
Schlah !...
" Ta gueule ji dis ! "
Schlah schlah.
" Ti sauras li respect maintinant. Ti sors pas sans mon accord. "
Plus un gémissement ne se fit entendre. J’en déduisis que la liberté se frottait les tectoniques, notamment chez mon voisin du dessus, toujours avisé en matière matrimoniale.
Schlah !
Il en avait remis une au cas où. Il faut dire que sa femme, récemment convertie, lui donnait du fil à retordre à cause de ses mauvais penchants de " prostituée occidentale ".
" Di toute façon ji vais faire vénir mon pétit frér du bled, Aziz le bien-aimé, y va té surveiller quand ji sérai pas là. "
Pchssst...
Je décapsulai une canette de Coca-Cola (light). Breuvage typiquement yankee, me félicitai-je intérieurement, de ces lèvres frémissantes je bois à la santé des cultures – je tendis au ciel (mon plafond) le cylindre noir et rouge – de toutes les cultures ! Santé ! Santé ! Santé ! ! !
La libération, me dis-je en sirotant calmement, la libération...
Ça laissait songeur à plein temps.
Soudain, une énorme chatte pointa son minou à la fenêtre. Sans rigoler ! Je n’y étais pour rien. L’animal s’était invité sans crier gare sur mon 37 pouces Full HD. Autant dire que chaque poil avait de la gueule. Un animal de pedigree, bien soyeuse... Mais j’étais pas à ça maintenant et fis appel – en vain – à la fonction de fermeture de la fenêtre. Chaque fermeture s’accompagnait de deux fenêtres intruses supplémentaires.
Je m’acharnai une bonne demi-minute. L’écran se quadrillait de parasites – Poker en ligne – paris sportifs – voyages gratuits – gadgets érotiques – ad libitum jusqu’au fatidique " critical error. System Alert popup ! Error data. "
L’écran vira au bleu, pleinement le bleu, obstinément le bleu. Les commandes ne répondaient plus. La technologie n’était décidément pas mon amie.
Cette fois c’était assez. Je pris mes cliques et mes claques, fuyant la jungle du cyberespace, pour descendre jouer une part de balle.
Chouette sport que le football. Tout le monde s’amusait gaiement jusqu’à ce que l’attaquant de mon équipe trébuchât dans la zone de réparation.
" Penalty ! hurlèrent les miens.
– Va te faire foutre ! " répondit l’auteur de la faute, leur " capitaine ", c’est-à-dire leur meneur, leur tête brûlée (ou le casse-couilles de service si vous préférez). Notre attaquant se releva entre ses jambes et le toisa méchamment. L’autre le dévisagea avec haine et colla son front contre le sien.
" T’as un problème ? "
Sincèrement, le penalty n’était pas évident, mais bon, nous avions clairement un problème... Le ton monta, les coéquipiers de part et d’autre rappliquèrent, bref, la bousculade s’intensifia. Un des spectateurs voulut intervenir, calmer les esprits, trancher la question :
" Je crois qu’il a raison... "
Au début sa voix fluette passa inaperçue.
" Je crois qu’il a raison. Y a penalty ! " ajouta-t-il en poussant sa voix au maximum.
La mêlée s’immobilisa et tous les regards se jetèrent avidement sur l’arbitre improvisé.
Un petit jeune, fluet, tout pâle, avec une voix de gonzesse. Définitivement pas le profil idéal pour apporter son grain de sel à ce genre d’affaires épineuses... Sa mère, la quarantaine, avait atterri en logement social suite à son récent divorce. Dieu soit loué ! ils ne dormiraient pas sous les ponts. Malheureusement un problème en cache souvent un autre : son rejeton n’était pas adapté au climat méditerranéen.
Comme les yeux de l’équipe adverse le fichaient durement le petit mec leur envoya un sourire de bienvenue.
" Putain ! s’écria le casse-couilles, vous avez vu ça la gueule de salope ? "
Sachant le genre de dénouement, chacun dégaina son outil numérique afin d’immortaliser la scène. Casse-couilles s’empara de la balle qu’il dégagea de toutes ses forces en direction du jeune mec pâle.
BINGO ! ! ! En pleine poire, il savait viser, et fort... Des grosses jambes poilues de footballeur.
" Et maintenant, y a penalty ? " interrogea Casse-couilles, aidant le jeune mec pâle à se relever, le saisissant par le col de sa chemise. Effrayé, saignant du nez, l’autre balbutia :
" J-je suis pas sûr...
– Cômment... Té pas sûr ? " reprit l’autre d’une voix menaçante, sourde et méprisante. Il lui tapota la joue, des larmes y coulaient petit à petit.
" Réfléchis bien... Y a penalty ou Y A PAS ? "
Il suffisait de lâcher ce que Casse-couilles avait envie d’entendre mais Jeune-mec-pâle, traumatisé, avait perdu sa langue. Casse-couilles approcha son oreille de sa bouche et déclara aussitôt :
" Y a pas penalty ! Il a dit ! Y a pas penalty !!!
– Tu te fous de notre gueule ? s’agaça Dany Mabiala, notre gardien de but du moment, tu vois bien que tu lui fais peur. Puis d’abord j’ai rien entendu moi. " Dany arracha la victime à son agresseur et dit : " Alors, y a penalty ou pas ? "
Les jambes de l’autre flageolèrent.
" Je plaisante petit, je plaisante... avoua Dany, panique pas, je crois qu’on n’a plus besoin de tes services. Tu peux t’en aller.
– Alors, qu’est-ce que t’attends ?! " s’écria un petit sorti de la foule. Impatient, il mit un coup de godasse au derche de cet empoté qui tardait à plier bagages.
Il se fit pourtant que le malheureux empoté ne put accepter qu’un gamin le traitât ainsi. L’empoté leva la main sur le gamin.
" T’es fou ! proféra le gamin, mon frère va te buter !!! Lâche-moi sale pédé... "
Un grand frère (un autre) intervint et mit deux claques à l’empoté révolté (Jeune mec pâle).
" Bon, dit le grand frère, dégage maintenant. On t’a assez vu. "
L’autre s’exécuta sous les rires et quolibets.
Cette prouesse virile a le potentiel ! me dis-je, pour figurer au top5 des happy beatings.
J’avais assisté à la scène dans son entier sans sourciller. Après toutes ces années il s’en fallait de beaucoup pour m’étonner. L’ambiance générale invitait la dégénérescence. Rien qu’à flâner on pouvait mal finir. Partout des incitations... On attrapait le vice comme on attrape la grippe. Ça ne me touchait même plus. J’étais simplement lassé... et aussi surtout – impuissant.
Je pris la tangente à bord de mon vélo trois vitesses. L’air frais fouettait mon visage contracté mais pédaler réchauffe. La nuit tombait une fois de plus, consolatrice obscurité, pour cacher les figures.
Des pavillons, le chemin serpente, des espaces... puis un manoir, délabré et squatté, des lierres agrippés aux grilles et qui habillent les briques usées. Une architecture en vert. L’écologie avait improvisé. Je me contentais de pédaler le vent sifflant le long des oreilles, les yeux plissés sans s’arrêter au paysage qui défile. C’était entre moi et la nuit. Un tête-à-tête qui te sortait de tes soucis. Tout devenait possible... Krwëh ! Tout devenait possible, comme par exemple un chat noir pas détectable au GPS. Elle débondait abondamment ma pelote de poils, toute douce en plus : une femelle. Elle m’a gentiment léché le doigt. Fort jeune, deux ans pas plus. Tout le jus fuyait, il se perdait dans la gerçure du macadam pour aller nourrir la terre mère. L’animal miaulait à peine. Elle n’aurait pas tenu d’ici le véto et j’aurais facturé comment moi ? Dans l’étang, un artificiel de gens bien équipés... ça c’est réglé. Elle n’a pas eu le temps de souffrir, pas beaucoup.
Les étoiles luisantes, petit à petit la campagne, j’avais mangé les kilomètres ! Les petits secrets allaient se révéler. Un cycliste désœuvré faisait la tournée des mal foutus du pays des hommes, les inutiles et les abattus. Des tas de tôle, caravanes de Rroms, des chiens errants, des criquets qui stridulent, la Lune aux trois quarts.
Une voix sortit de nulle part.
" Hé là toi ! Hé là toi là-bas ! "
Une vilaine voix d’agresseur... J’avais intérêt à feindre la surdité et continuer comme si de rien mais la grosse voix s’entêta.
" Hé garçon ! toi. Oui toi garçon. "
Ne pas, ne surtout pas se retourner.
" Oh ! T’es bouché ou quoi ? "
Mettre le bon coup de pédale et tout de suite.
" Tu nies ? Attends petite pute, je vais te donner. "
Fuir. Et vite. Mais ma bécane ne voulait plus, son dérailleur déraillait. La vengeance du chat ! Je mis pied à terre pour me lancer dans une course à pied, vélo sur le dos. C’était un vélo " à prêter " et le prêteur accusait 150 kilos à la pesée ; le genre de vélo dont on se sépare difficilement...
J’ai beaucoup couru mais je me suis vite fatigué. Alors j’ai largué l’encombrant. Trop tard ! la grosse voix arrivait à ma hauteur.
" Salope ! "
Un poing s’élança en direction de mon visage, accompagné d’un commentaire :
" Ramasse ! "
Sachant que la visibilité nocturne m’échappe (je n’ai pas les yeux de Batman), il ne me restait qu’à plonger dans ses jambes, espérant l’amener au sol. Essai couronné de succès. Le bruit fut sourd et je monte dessus.
Bam Bam Bam !
Maintenant que j’ai tapé ses dents on va pouvoir entamer les pourparlers. Je me renseigne.
" T’en veux encore ?
– ’scuse cousin... Je t’avais pris pour un autre...
– Ta gueule !! Je t’ai posé une question et quand on est poli on répond oui monsieur, non monsieur. Explique-toi COMME un homme. C’est la dernière fois que t’entends le son de ma voix avant de voir des étoiles. Alors : Stop ou encore ?
– Stop !
– À qui tu donnes des ordres ? Salope ! " Bam ! " Et comme ça, c’est mieux ? "
Il faisait dodo. Ils étaient beaux les gens quand ils dormaient ; ça devenait des civilisés. Mais les civilités eurent peu de répit. Déjà une ombre approchait en pressant la foulée.
" Hé Négro ! cria l’ombre en se détournant à l’arrière, hé !... Ho ! Tu m’écoutes ? Chandu ! Ho ! Georges !... Malik !... j’ai retrouvé le refré. "
Chandu, en léger surpoids, traînant le pas, se joignit en dernier à la bande et s’écria de sa voix caverneuse, essoufflée et autoritaire, dans ma direction :
" C’est à mon Nègre que t’as touché ?
– Sa mère ! renchérit son compère, Casper a osé.
– On l’ouvre en deux ! "
Vu l’état d’irritation de leur voix, leur projet me parût digne de confiance. Ils auraient sans doute du mal à s’en tenir littéralement à leur parole – sans les instruments requis, ouvrir en deux est difficile – mais ils ouvriraient du mieux qu’ils pussent, je pouvais compter dessus. C’est pourquoi je trissais dans les bois, une meute de blackos à mes fesses pour en toute logique y planter des pointes. Et les blackos quand il fait noir ça devient des ombres... Comment échapper à des ombres ! Je vous le demande. J’aurais de bonne grâce imploré le pardon... si la moindre chance de pardon existât. Je connais la mentalité des canailles ; la faiblesse ne fait que les exciter. Et merde, me dis-je, depuis quand les Renois traînent à la campagne ? Il n’existait malheureusement qu’une façon d’élucider l’énigme. Un peu trop douloureuse à mon goût.
" Babtou... murmurait la forêt dans mon dos. Babtou... Babtou... "
Ils battaient le rappel.
" Babtou ! On va te scier. "
Ils possédaient le langage urbain. Sans doute des banlieusards en quête d’une paysanne. C’était la seule explication plausible.
" Babtou... babtou... "
Ils y mettaient le cœur dans le timbre, on sentait la joie spontanée, je serais servi sans faute.
Les bois descendaient profondément et en s’enfonçant on sentait la présence des animaux. Des sauvages à l’ancienne, qui n’ont pas vu beaucoup d’humains. Et qui n’en verraient pas beaucoup plus ; les bruits de la nuit avaient découragé mes poursuivants. C’était seul ici ; encaissé et tout foncé, avec juste un peu d’évanescence de Lune crachée sur les feuillages, mais un peu comme ça, pour donner du relief à des drôles de formes, des humaines et d’autres inquiétantes. En fait, on savait pas lesquelles fallait le plus redouter. On savait seulement qu’on était mieux avant. On regrettait les stress du passé. En principe j’étais dedans. Mais il y eut ce petit quelque chose dans l’air, comme... comme une odeur de saucisse fumée ! Au flair, au flair ! C’est au flair que j’y suis retourné à la société. Au flair...
L’odeur s’accentua, et je vis. Un grand bal délirait. Les trouble-fête étaient, comme à l’accoutumée, de la partie, attirés eux aussi par l’odeur, la fine, la subtile, celle de la femelle, fille facile si possible, sinon passage en force... N’est-ce pas ? Une blonde ! Les salauds... Informé des risques, je me faufile aussi discrètement que James Bond ; je connais ce genre de parage, on sait jamais ces choses-là, ça tombe dessus sans prévenir.
Et de fait.
" Gadji !... Viens un peu. "
Une voix rauque de grizzli. Ce sont les Gens du voyage qui invoquent la gadji.
Vraiment tous de la partie ! Tout le monde veut son morceau de poulette... Mes yeux détaillent un panorama de la situation. Des Romanichels en veux-tu en voilà... eux aussi savent comment avec les cailles... tout en moustache ! Le contexte blindé de peaux mates... le sale contexte... ça pue le coupe-gorge.
" Hé ! Garçon... Toi ! la poule mouillée... "
La même voix rauque de grizzli. C’était donc bien moi qu’elle avait précédemment visé, me traitant par la même occasion de gadji, c’est-à-dire de nana, et à présent de poule mouillée. J’imaginais la suite sans difficulté... Seigneur ! Pas deux fois le même jour, tout de même.
" Toi. Face de craie ! Avec les Adidas à l’ancienne. "
Attends, des Adidas, ça ne veut rien dire, ma mère avec en Adidas !
" T’es dur de la feuille ? Hé ! Petit, où tu te barres comme ça ?
– M-moi ?... " me sortit de la bouche. Ça m’avait échappé. Pourtant je n’étais pas sans savoir que l’hésitation signe ton arrêt de mort. Pour survivre, faut que l’autre pense qu’il te survivra pas.
Je me ressaisis.
" Nan... fis-je nonchalamment, rien de spécial. Je traîne... Et toi gitan, qui tu pistes comme ça ? Tu veux un coup de main peut-être ? "
J’agitai mon coup de main, ses cinq phalanges repliées, sourire délié d’une commissure à l’autre. Un sourire de cinglé.
Le gitan ricana.
" Hé hé oh !... Fais pas le fâché. On est en démocratie, non ?
– La démocratie ? soupirai-je, c’est à la tête du client. "
Sur ces bonnes paroles, il m’inspecta le portrait sérieusement. Ses yeux me faisaient un gros plan. Pour ma part, j’étais disposé à lui faire une grosse tête. Apparemment, des deux je fus le plus convaincant. Le gitan renonça, un petit sourire en coin qui signifiait " tu perds rien pour attendre ".
C’est alors que des bruits pas anodins parvinrent à mes oreilles. Je me dirigeai vers la source sonore... Au fur et à mesure que j’approchais ça grondait... Et je vis.
À peine dissimulés, tous les vieux du coin, à mon instar, mataient. Deux jeunes tourtereaux l’un dans l’autre, complètement enchâssés. Gros noir sur brindille blanche. La seigneurie du quatrième âge, chacun derrière son taudis, reluquait entre les stores sinon par la porte entrouverte, une main sur chaque béquille si vous voyez ce que je veux dire. Ils avaient intérêt à rien rater. C’était leur amour de l’année. Ils n’y auraient plus droit. C’est ainsi, sortis du domaine de la lutte. Avec les yeux dorénavant... et le beau gosse y allait franco de porc avec sa blonde à califourchon ; elle s’agrippait comme à un trésor.
" Ah ! Ouuui ! Vas-y trésor, encore, plus fort, oui, ah ! hi ! Vas-y Malik ! "
Malik de tout à l’heure ! Les petits vieux lorgnaient à s’en tomber le dentier... fallait voir ça.
La blonde subitement repoussa l’assaillant. " C’est tout ? " fit-elle ingénue. Elle le snobait, puis écarta à nouveau, méchamment ostentatoire, les antiques faillirent tomber le binocle ce coup-ci. Y en a même un qu’a tombé tout court. Une belle mort, titra la presse régionale. Tout le patelin attesta. L’athlète retourna au charbon trois fois plus fort. Espérait-il une médaille ? On peut le croire.
Pendant ce temps j’observais les observants. Des isolés, esseulés, moribonds tout ça, des gens quoi, qu’avaient vécu, juste ça en trop. Le social s’était échoué à leur porte, ça avait été presque... pas loin... non pas loin ! Des abandonnés abonnés, des fins de parcours prolongeantes. L’époque allait rugueuse... le droit de chômage à court de souffle... les soupes populaires s’intensifiaient, l’assistanat se réduisait (tant mieux !), converti mendicité (tant pis !). Les âmes en ruine... heureusement subsistait plus que jamais le porno. On les gavera, une dernière fois le vidange... La névrose suintait par là. Carnaval d’onanismes. En couple tiens ! Même les couples... La plupart ne communiquaient qu’au moment des quatre rageuses vérités. Entre ils meublaient. À coups de garniture, des " Je t’aime " et des ballades en auto.

Ecrit par Jokeromega, à 18:09 dans la rubrique "1.La farce des abîmés".
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