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Les accidentés

--> extrait (suite chronologique du dernier extrait, un autre demain)

Mère était restée femme au foyer ; elle avait passé sa vie dans le cul des casseroles. Hystérique, sectaire, névrosée. Rien l’arrêtait. Oh pas tout de suite... au début les préceptes religieux avaient obligé une ascète exemplaire, tout en contenue, mais le temps était passé par là, ne subsistaient que les abstinences de base ; drogues, médicaments, fornication. L’autre allait au bordel. Parfois battue, plutôt modérément, ancienne beauté fugueuse dès quinze ans, enceinte un an plus tard, accouchement, ménage, factures ; mariage un jour on verrait. Mon frère était mort le jour de son anniversaire, seize bougies, en l’honneur de la première virée entre potes ; les cinq jeunes, deux garçons trois filles, tous raisonnablement débiles et défoncés, avaient achevé leur vie en la ponctuant d’un magistral et très typique affrontement voiture/arbre. L’arbre avait eu le dernier mot. Moi j’avais jailli quatre ans après le frangin, par mégarde ; dans un jour de grande déprime et que je l’avais à mon tour un peu tabassée, maman avait lâché le morceau : Tu comprends bien que flanquée d’un flan pareil, elle avait indiqué d’une main terrible le flan en question, papa avait souri, affalé ivre mort sur le sofa brun Ikea trouvé un jour sur le chemin et retapé " mieux qu’au palais royal ", – mon père était royaliste, c’est dire. Mieux qu’au palais royal... Dès le départ, on aurait mieux fait de s’asseoir par terre. Ton existence ne pouvait être qu’un accident, avait-elle surenchéri, en plus j’étais encore mangeable, et j’avais mis le grappin sur un contrôleur d’impôts.
Deux ans plus tard, Marcel, le contrôleur d’impôts, était passé dire bonjour à coup de redressement fiscal. Apparemment, il avait moyennement apprécié le poteau. Ce serait la dernière fois que papa essayerait de se reconvertir dans le privé, – autrement que le pif dans un fût de bière. On était ruiné. Sur tous les plans. Et le pire, je l’ignorais encore : ça ne faisait que commencer.
_ Toi ! Oui toi ! Sa voix était sincère de misère. T’as foutu mon plan en l’air, j’étais entamée, j’étais en cloque... Qui voudrait !
Elle avait dignement séché ses larmes, avant de conclure.
_ Va au diable misérable !
_ Qu’il vienne le Diable ! Je lui ferai voir c’est quoi l’enfer, j’avais frimé d’un air je-m’en-foutiste. Ça me passait en-dessous, j’avais l’habitude des sérénades, une ou deux fois par jour elle explosait ; un service de cuisine fracassé, un manche à balais dans le cul du chat, un seau d’eau sur la tête d’un malheureux invité, c’était coutume... deux trois fois par mois papa tapait. Elle se calmait quelques jours. Et ça repartait.
En outre j’appréciais le caractère symétrique de la famille : frérot mort par accident et moi né par accident ; un prêté pour un rendu.
_ Attention au motard !
Kriiiich ! !
J’avais évité de justesse le motard. Pas le piéton.
_ Oh c’est affreux...
Gaby pleurait déjà.
Foutre le camp ou assumer ?
Je suis descendu.
_ Ça va, rien de cassé ? Je suis désolé j’ai voulu éviter...
_ Je vais te tuer !
Zlip vroum !
_ T’as raison Gaby. Ça va être affreux si on reste ici.
Les badauds commençaient déjà à caillasser. Bande de barbares. Faut les comprendre t’as vu comment tu l’as embouti ? elle disait Gaby. Vu comment il cavale après nous, je disais, je crois que c’est plus de peur que de mal. Oui, sans doute, mais quand même, qu’est-ce qui se passe ?... chéri ça fait une heure que tu planes.
Si seulement j’avais su planer. Je me serais envolé sur-le-champ. Mais non, la réalité m’attendait de pied ferme. Elle avait mon numéro.

_ Viens, par ici Gaby.
_ Pourquoi, l’ascenseur est hors service ?
_ Oui, c’est ça, hors service...
J’avais pas oublié mon instinct. Et mes ennemis avaient sûrement pas oublié le leur. Par derrière c’était plus sage.
Plus sage ? Mais qu’est-ce que tu fous là espèce de cinglé suicidaire.
_ Billy ? ça va ? Tu es là ?
_ Hein ? Ha. Oui, – oui...
Oui ça va... ça va très bien aller, c’est pas pour rien que j’ai amené mon vieux pote " l’autrichien ". Robuste, discret, efficace. Tout vêtu de noir. Quelle classe, quel maître. Pas de ça entre nous Billy !... appelle-moi Glock 37. J’ai mon doigt sur sa détente. J’ouvre l’œil. J’attends. J’avance, monte les marches, lui d’une main, Gaby de l’autre, j’entends des bruits de fond, des bruits de bonheur, des bonheurs sauvages.

Ecrit par Jokeromega, le Jeudi 9 Novembre 2006, 22:07 dans la rubrique "Chantier fermé".