Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)
 1.La farce des abîmés   2.Intellections   3.Microthéories   4.Si j'étais poète   Chantier fermé   Mes ancêtres l’univers 

Ces pensées qui abîment, Agence cybernétique de songerie adulte

Version  XML 
C'est la maison qui offre.

Archive : tous les articles

Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?



Le reptile

--> extrait (suite précédent)

Cette voix... et c’était la demi-sœur, je m’étais dis, la demi-sœur, c’est pas rien ça, d’autant qu’on devinait séance tenante le lien du sang. Comment, je ne saurais le dire. Mais j’ai deviné à la seconde. Un lien de sang à bout portant.
– Pourquoi Billy ?
Ma douce avait déjà troqué la haine contre la douleur. Son visage... la première fois qu’il a eu si mal. C’est ce jour-là je m’en souviens, à cet instant crucial, dans ce court intervalle d’extrême détresse, que le mal a pris les commandes. Ça fut bref. Comme souvent. Les ampleurs c’est plus tard.
– Gaby !
Je haletais. J’avais tout mon corps comme un hoquet géant.
– Gaby je l’ai fait exprès ! Tu comprends ?
Visiblement, non.
– Je l’ai fait exprès comme ça. Comme un coup de botte dans la fourmilière ! Tu vois ?
Toujours pas, non ; va falloir être plus convaincant.
– C’est... – les fourmis ! Tu vois les fourmis ? Non ; pas les fourmis ! Je veux dire... le coup de botte... mon coup de botte ! c’est mieux pour faire. Euh !... Ah ! Ah oui, c’est pour remuer la merde... ha !... non !... je dis pas ça, ... je veux dire au nom du tumulte. Voilà, au nom du tumulte !
Elle n’osait même plus regarder dans ma direction. Ce n’est pas grave j’avais plus d’un tour dans mon sac.
– Je veux leur infliger un inextinguible tumulte. De sorte qu’à ton existence il soit dorénavant impossible de faire la sourde oreille.
Je posai mon regard sur ma colombe. Tendrement. " Tu vas voir, elle va s’envoyer en l’air ton existence ! " Mon cerveau computait un état des lieux. Convaincue la Gaby ? Je traduisis sa drôle de moue par " mieux que rien ".
J’avançais mes pions, et j’avais joué premier – un sacré coup de botte. La réaction de l’adversaire fut d’abord le silence. Un long silence, il devait s’en passer chez les Bogaert ; même les clebs étaient abasourdis, tandis que ma colombe restait muette, taciturne, au bord on aurait dit d’un gouffre. Prendre sa main ? Erreur ! Si tu prends sa main elle se laisse aller ; tu sais pertinemment que tant que ça tient ça se maintient ; pas touche sinon déluge. Défense de ! Faire le mort. Défense position neutre. Fonte des larmes en attente. Son cœur est fragile comme la calotte glacière – la glace en moins ! C’est dire, il fond ce con... Ah Gaby ! Gaby cœur d’artichaut... Au temps pour toi Billy ! Fixe-toi les sentiments... et rembobine-les !... Ensuite maintiens ! Maintiens, maintiens, maintiens ! Position neutre toute ! Remue-les plus, c’est des serpentins les sentiments, dès qu’ils s’y mettent on n’en sort plus, ça se tortille à l’infini. Larmes imminentes. Non touche pas ! Fais le mort. Elle pleure. Non !... : Elle va pleurer... nuance ! Nuance... Non pas encore ! Touche pas je te dis ! Laisse venir, donne du fil, fais la mouliner.
Fallait pas, on devait vaille que vaille tenir bon – j’ai quand même enveloppé sa main. " Mais attention pleure pas ! " Et je précisais que " t’as pas intérêt " avec un grain d’espiègle tendresse. Par conséquent le réflexe du déluge, l’indomptable pas possible déluge. Comme une lavette à qui on aurait dit sèche-toi les larmes : elle peut pas s’empêcher d’en foutre partout. Dis pas, mais t’es doué mon coco. Maintenant faudra patienter que ça se dégorge. Et le pire, jamais on pouvait situer son malheur ; si c’était plus qui ou plus l’autre. La plus tendron des tendres s’était retrouvée prise au piège entre deux feux. Deux absurdes. Deux amours épines dans le pied. Son amant et maman. Zut, c’est trop vache. Le tendron... il n’est plus apte...  Je voyais bien.
Je vois ! Le tendron... Il tremble... – tout tremble. Il morve... – morve toute ! Coulées... fontaine, les dents clac-clac castagnettes... ce n’est plus possible !... Et cette grille ! Ah cette méprisante haineuse grille. Je me dis : Défonce-là ! – Facile à dire. – Et moi je te dis que Mercedes ou ne pas être. "  Nous garantissons votre sécurité ". Eh bien, on allait voir ça ! La sublime engin serait mon bélier, l’accélérateur recevrait la motivation de mon pied, et maman Élisène fais gaffe à tes miches. J’arrive !
À plus de cent à l’heure ça plierait comme de la gomme et mes estimations affirmaient que j’ai assez d’élan pour atteindre la vitesse critique. J’étais sur le point de m’engager dans l’habitacle lorsque... " Non Billy ! Non... " Sa voix déchirait le cœur. On se sera arrachés les oreilles pour moins que ça. Vraiment faut que tu fasses quelque chose. Nom de magne-toi-le ! Gaby bisou bisou bisou... je t’aime mon ange il n’y a que ça ! Oui ! Oui ! Oui !
C’était venu tout seul. " On fera notre vie ensemble ; tu m’as moi et notre couple deviendra une famille si tu le souhaites. On se marie quand tu veux. "

La déclaration ! Coming out malgré soi. Délit de sentimental sans préméditation. Maintenant quoi queuj fais ? Elle avait les larmes aux yeux pour ne pas changer, mais des larmes autrement plus lourdes de conséquences Billy mon pote.
L’erreur de ta vie.
Réparer le mal par le pire.
Il n’y aura désormais que pis qui veuille bien.
Parce que l’adrénaline vous fait commettre des passions. C’est-à-dire à voix haute, des irrépréhensibles, elles sont filoutes ! On ne se gère plus ! Tout devient loufoque, ce n’est vraiment plus la peine. Dans ces cas-là la sagesse conseillerait de fermer ta gueule. Mais bon, on sait ça va comment.
Un arc-en-ciel avait laissé tomber trois couleurs sur son visage lorsque Gaby scella notre échange sur ces mots : " Pour la vie. " Moi, j’y croyais – à ce moment-là. Prêt pour le baiser et tout ce qui s’ensuit. Sur quoi le beau-père surgit, Jaguar de capot rugissant, MKII années sixties, couleur officielle vert anglais, jantes argentées à rayons chromés, intérieur cuir bleu et boiseries, volant en bois et montre dorée Breitling... Le temps suspendu... J’en prends plein les mirettes, c’est un éblouissement rageur, un triomphe haineux pleines pompes, une architecture comme un pit-bull d’attaque, ce genre-là ne pardonne pas... On se sent petit d’un coup. Son costume – pas en reste – est un sacré fringue, sans poil qui dépasse, manches blanches boutons grenats, sourire de circonstance. Méfiant de toutes ses dents. Le carreau se baisse un peu, de quoi passer une main ; veut-il me serrer la pince ? Non, du tout, c’est juste pour aérer, dit-il ! et ajoute " goeiedag meneer, zoekt u iets ? (vous cherchez quelque chose ?) " comme un enquêteur, avec une voix de petit caporal promu sergent et qui se prend pour un général (chef de rien du tout moi je dis), très pédant, très désagréable, très en confiance ; tout à fait officiellement trou de bal. Alors je braque mon plus beau sourire, éclatant avec les pupilles qui crépitent, accompagné d’un :
Niets Nederlands meneer, sorry, sorry.
Il eut l’air de se fâcher. Je fis un effort.
– Spikinglish ?
Il eut l’air de se fâcher trois fois plus. Ha ? ça lui plaît pas la vache. Lui aussi sourit très fort. On s’envoie des éclairs. Il s’entête... baragouine de plus belle... très genre flamingant... je respecte ce choix... mais tout de même... lui pas savoir français ? Coup classique ! Ils nous la font à chaque fois. De Bruges à Zeebruges ! En passant par Anvers, Gand et Malines. N’est pas grave, je pardonér meneer, et je sais comment réveiller tes bases une fois. J’annonce :
– J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. On commence par laquelle monsieur Bogaert ?
Monsieur Bogaert plisse les yeux, resserre la mâchoire, et, de très haut, le menton se relève. Il attendait avec hauteur.
– La bonne nouvelle ? Votre famille va s’agrandir. La mauvaise... c’est moi l’agrandissement.
Il dévisageait, scruteur, curieux, fâché un peu... vérifiant ma santé mentale. Bronche pas Billy, tes plus belles dents. Là ! Oui, parfait... sourire carnassier, pas lâche le moindre émail. Il aura rien, peut se brosser ! Oh mais o-ooh !... qui là que voilà ?... à la fenêtre, en peignoir, en train de reluquer par chez nous, mais, mais, mais n’est-ce pas un air de famille ! " Hum, on dirait, si je peux me permettre, que madame souhaite participer. " Je fis un léger signe de tête en direction. Oui, là, vous avez vu ? Le chef de famille se mit à loucher vers la fenêtre en question... madame, même à cinquante mètres ça se voyait, avait la mine des jours délétères... Un problème ?
– No stress meneer, geen geen ! Moi ? Ce sera juste par alliance. C’est Gaby ici présente... Gaby Gallois, orpheline mais pour de rire, née sous X, fille biologique de madame Élysène, âgée de vingt-huit ans, parente de sang, la mairie le dit, l’ADN le confirme, et aucun globule manque. Pas stress ! Monsieur : veuillez présenter à madame mes très sincères cordiales salutations. Si par ailleurs elle pouvait consentir, au moins pour la petite n’est-ce pas, vite fait l’entrevue... Kim avait l’air tellement confuse au parlophone. Hein meneer, c’est possible une fois.. vous croyez ?
J’avais un visage d’ange. J’apportais l’enfer. Si après ça le gus me chantait pas dans la langue de Molière. Sa Jeanne, visiblement prise de court, restait plantée éberluée sur place. Les traits de son meneer commencèrent à se durcir, les canines enfoncées dans leurs gencives, il n’était pas imbécile, non, ça n’allait pas se passer comme ça... Toutefois... Pas imbécile... Non, pas imbécile pour tout l’or de la Flandre – certes !... ni pour les diamants du tout Anvers – mille fois certes !... Toutefois on n’en pouvait pas moins tabler sur une intelligence plutôt modérée. Oui, tout à fait modérée. C’est-à-dire, le genre de cerveau reptilien qui sait quand y a un lézard... Il a du métier ! Et ce lézard ressemble de plus en plus à un alligator... Crocodile Dundee va avoir difficile de le rater... Mais oh ! La merde c’est dans ses cordes... c’est plein son cul... Oh oui, il a du métier ce reptile.
Le reptile prononce avec léger accent :
– Une instant, je reviens de suite.
La grille se referma sur lui. Nous deux les amoureux au même endroit face aux même refus de métal électrifié. Mais le vent avait tourné. Et l’électricité peut électrocuter son propre électricien, j’en savais quelque chose. Tu peux être fier Billy, oh oui mon Billy ! Et Gaby, elle en pensait quoi ?
– Ce n’est pas ce que je voulais.
– Je sais, mais c’est la méthode adéquate au type de bonhomme. Lui ? C’est un type de joueur... j’ai joué selon les règles. Selon ses règles. Des légèrement retouchées – ... j’aime la gagne, je te l’accorde ! Mais je n’agis plus dans mon seul but : je nourris un orgueil pour deux à présent. Je nous protège. Je suis animal j’avoue (je pourrais pas nier), animal... Hé !
– Hé quoi ? (sa voix si timide, en retrait)
– Je t’aime.
Ça n’aurait tenu qu’à moi... mais on pouvait se faire épier. Pas d’exubérance, je voulais que ça reste une mémoire exclusive, un unique aux deux intéressés, et personne d’autre.
Je n’ai pas pu l’embrasser.
Parce que je ne partage pas.
Il est finalement dix-sept heures quand le domaine s’éventre enfin. J’ai les jambes en compote, les efforts qui s’entassent dans ta fibre musculaire, je suis une bête mais une bête aux genoux de porcelaine, je batifole avec les limites biologiques, mais ne dit-on pas que l’appétit vient en mangeant ? Je deviens un ogre. Ça tombe bien, les pectoraux sont un argument de persuasion. Bombe bombe Billy. Bombe !
Andiamo Gaby, on s’engage. Non n’aie pas peur. Non ! Tout ira ; oui, tout ira bien. Je sais, la laisse des chiens pourrait lâcher, je sais, un gang de bodyguards méchamment bodybuildés pourrait nous tomber dessus, je sais, ta mère est une garce et aucun baiser de Judas n’est à exclure. Oui, et les marches en bois du perron grincent comme dans les films d’horreur, je sais tout ça, et la gargouille en pierre vert-de-gris tire la langue comme le démon, ça aussi je sais, oui et le ciel est si sombre à présent, oui et encore quoi ? Bon, y me semblait bien.
– Entrez dont jeunes gens.
Élysène, Élysène... En chair et en os.
– La bonnetière est à disposition si vous souhaitez vous débarrasser de votre pardessus.
Élysène, Élysène... Hautaine et rêche. Étonnament grande, cheveux tirés à quatre épingles. À quatre épingles proprement dit : chignon strict, pommettes saillantes, dures, sèches, joues blanches, fardées, comme tout le visage, fardé, blanc, sévère, et cette bouche qui n’en ressort qu’avec plus d’éclat, écarlate, fine, mais pas pincée, plutôt sensuelle d’ailleurs, oui, finement pulpeuse, on peut le dire, de belles oreilles, boucles d’oreille pas tapageuses loin d’être bon marché, beau pendentif, fin, stylé, doré, démarche autoritaire, talons claquent... Où d’elle Gaby a reçu ? Pour l’instant, à vue de nez, de nulle part. Quoique... Ses yeux ! Le génome est là, identifié, et là seul ! Les mêmes yeux. Élisène est humaine in extremis. Élisène n’est humaine que par les yeux. Elle a gardé ! Oui, elle est encore abordable, ses yeux sont paisibles... Incrustés au sein d’un visage taillé au scalpel dans la glace. Mère et fille sont liées par les yeux. Le reste les sépare. Tout le reste. Ce sera dur à négocier.
La Belle-mère.

Ecrit par Jokeromega, le Lundi 8 Janvier 2007, 00:52 dans la rubrique "Chantier fermé".