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Les mémoires honteuses

Parfois j’ai des souvenirs dégoûtants qui remontent, vous savez, ceux qu’on aimerait enfouir au plus profond, et ne plus jamais, jamais entendre grincer. Mais rassurez-vous, je ne parle pas de souvenirs communément considérés comme violents, du genre d’abus corporels, d’humiliation absolue, de torture infamante, non, je parle de souvenirs qui me sont violents, et peut-être même qu’ils me le sont exclusivement. Bien que je n’exclue pas la possibilité d’un ailleurs de sensibilités jumelles. Ce sont ces horreurs du passé qui donnent plus que la nausée, elles épouvantent au point que je me bouche les deux oreilles de mes oppressantes paumes de main et, du même élan je fais saturer mon cerveau. Ne me demandez pas comment, je sais juste qu’il y a un cri maximum qui explose à l’intérieur. C’est à peu près efficace comme méthode. À peu près... Pour les ratés, les entêtées honteuses mémoires donc, je me dis que l’écriture en viendra à bout. Je veux dire, elle me permettra la mise à nu, la mise en scène et la démystification. Voilà, c’est ça l’idée, les mémoires passées au crible des mots ne seront plus jamais les gourous qu’un jour elles furent. Cela ne garantit pas qu’on sera libéré mais au moins ça désinhibe beaucoup, ça comment dire... ça dégoupille un état de sentiments explosifs. Alors une fois que ça a pété à la gueule du public, même restreint, une seule personne suffit déjà, soi, ça ne peut tout de même pas sauter une deuxième fois, en tout cas plus avec la même intensité. Ça saute aux yeux ce que je dis, non ? Soit.

Pendant ce temps subsistent toutes ces vacheries qui regardent de travers ma fierté. La honte plein les poches... Je crois que la vanité, cette fierté insensée – quoique l’adjectif soit peu heureux, elle est au contraire très sensée cette fierté, elle est même à fleur de peau, chaque sens poussé à son niveau d’alerte maximum – accable autant qu’elle ne porte. Un rien d’évocation contraire à la mise en scène qui sied à notre volonté de perfection ébranle et évoque les vertiges les plus malades, les plus décalés de toute réalité objectivement palpable, ce n’est en effet pas du palpable, c’est bien plus subtile et vicieux que cela, c’est de la démence assumée. On sait ! On le sait... On a toute conscience, ou presque, d’ailleurs à vif on a vraiment toute conscience, on sait le positivement déraisonnable de notre démarche idéologique, la fameuse mise en scène, il est bien clair que cela est non seulement absurde mais en plus si pas pathétique, assurément misérable, même pas minable non, misérable. La maudite vanité accable donc, mais comment porte-t-elle ? Hé bien, lorsqu’on est persuadé de grandeur, on ne peut que tomber de très haut, et la chute est le propre de toute bonne histoire. Voilà, nous sommes d’habiles maladroits, entre vertige et lueur on creuse nos propres tombes éclairées, nous sommes de sublimes déchus. C’est beau triste et bête, aussi, un peu, parfois. On ne peut toujours être à la hauteur, voyons !

Un homme honnête et cultivé ne peut être vaniteux sans être d’une exigence illimitée envers lui-même, et sans se mépriser parfois jusqu’à la haine.

Dostoïevski, Les Carnets du sous-sol (p. 62 éd. Babel, traduit du russe par André Markowicz)

Ecrit par Jokeromega, le Mercredi 30 Novembre 2005, 22:37 dans la rubrique "2.Intellections".