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Ces pensées qui abîment, Agence cybernétique de songerie adulte

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C'était trop calme...

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Nous venions récemment de souffler notre première bougie de vie commune, l’année deux milles douze se fit beaucoup terroriser, mais à la vérité c’était comme un dernier baroud d’honneur pour les fous d’Allah, les jeunes générations, aussi pauvres fussent-elles, avaient désormais accès systématique au réseau, ce qui mettait de l’eau dans leur vin et du rêve capitaliste dans leur tête, capitalisme qui de toute façon avait conquis pour ainsi dire la planète entière (à l’exception des cités Cuba et Antarctique) ; dans de telles conditions, plus personne n’a envie de crever pour Dieu, mais bien pour une ligne de coke et un poster porno dédicacé à la foire du sexe. La mondialisation était une pieuvre absolue, et les multinationales faisaient triompher le vieux principe de mafia, personne pouvait résister, sûrement pas les états, de plus en plus fragiles, avec des politicards de moins en moins crédibles et de plus en plus infâmes et corrompus, les Etats-Unis avaient presque tout privatisé de leurs avoirs, si bien qu’en fait le pouvoir américain avait transféré au niveau des conseils d’administration et cela fut vrai au monde entier, vrai pour chaque république chaque royaume chaque duché chaque principauté, environ dix ans après les yankees, délais habituel de leur contamination exportée. Les royaumes forts, les dictatures arabes par exemple, n’eurent aucun mal à privatiser ; c’était déjà fait ! Tout pour le sultan, sa famille, ses amis, rien pour le reste. Quant aux systèmes plus démocratiques, de type européen notamment, la privatisation s’imposa pour la simple raison que les instituions publiques firent toutes banqueroute l’une après l’autre. Les gouvernements durent céder sous la pression grandissante des multinationales de plus en plus agressives, au sein desquelles tout bon député s’assura d’ailleurs une part du gâteau, et le pouvoir transféra effectivement, dix ans plus tard les cow-boys. L’idéologie aristocratique américaine fut une réussite de prise de pouvoir comme jamais dans l’histoire humaine. Mais il ne faudrait trop ternir ce portrait, déjà librement moche de lui-même ; de franches vertus émergèrent d’un tel système, par exemple, l’appartenance raciale devint obsolète ; blanc jaune noir, rouge brun beur, seule la valeur boursière importa ; il y eut les riches d’un côté, et les aspirants à la richesse de l’autre. Certes subsista longtemps un racisme de base entre ouvriers frustrés, mais parmi les élites en fric la notion ethnique fut purement et simplement abrogée. Par le passé, les hommes avaient défendu le drapeau pour essentiellement deux raisons : d’une part la défense du bien et intérêt commun à ceux et celles qu’avoisinaient à proximité déterminée, c’est-à-dire selon les frontières établies par les familles nobles, défense de biens propriétés de ces mêmes nobles soi dit en passant, et d’autre part par ignorance du monde, ignorance engendrant peur, méfiance, suspicion, haine de l’inconnu, l’étranger, le méchant, l’impie, le mécréant, l’inférieur, le danger, et convoitise de sa main d’œuvre ses femmes son or. Époque révolue. Communication illimitée, transports infinis, tout le monde connaissait tout le monde, au moins en apparence, et l’apparence suffisait amplement aux hommes, pour preuve, la société du monde était basée sur l’apparence, et la consommation, ce qui revenait à-peu-près au même, on consommait pour paraître et voir paraître ; paraître beau, riche, puissant, sexuellement et socialement, et voir paraître des images, du son, du rêve, ou plutôt, des flashs, du bruit, du mirage. Or à présent on ne se méfiait plus de l’autre, on se méfiait de TOUS les autres, le but étant de parvenir à tout prix au sommet de la pyramide. Il ne saurait plus jamais advenir de conflits de nations, vu qu’il ne subsistait plus qu’une nation, celle des nantis, avec le reste en périphérie de ces milles tours d’ivoires. Ces tours auraient pu se livrer combat et transposer les guerres de nations à des guerres économiques si fréquentes fin de XXe siècle, mais en fait, dès que le capitalisme atteignit son stade adulte, la concurrence fut décapitée sur le champ ; en effet, chaque grand groupe fut convié à une assemblée extraordinaire, l’assemblée de Dubaï 2017, et il en ressortit que l’intérêt commun des arrivés maintenant que les pouvoirs étaient bien installés, consistait à stopper net toute concurrence et laisser à chaque grand groupe le bénéfice du terrain conquis, textiles, grande distribution, locomotion terrestre, locomotion navale, locomotion aérienne, toutes trois réunies sous un même grand groupe d’ailleurs, production alimentaire, production matières premières, chaînes hôtelières et fast food, et ainsi de suite pour tout ce qui fut monnayable. À ce propos, la grande intelligence des nantis fut de ne laisser au hasard aucune forme de profit, ce compris toute activité déficitaire en elle-même, mais source de synergie empirique sur de déjà très lucratives activités. Ce fut dans cette optique que l’édition littéraire, papier et numérique, et l’édition journaliste, papier et numérique, furent assiégées, emparées, regroupées, unifiées et, une fois unifiées, leurs maîtres redistribuèrent les tâches de sorte qu’en apparence l’édition restât un marché éclaté ; il n’en était rien, chaque scribouillard journaleux, chaque littérateur, chaque individu était la propriété du groupe, il pouvait faire preuve d’originalité et même d’audace et de rébellion, mais de toute façon il ne serait jamais publié que si sa subversion était homologuée conforme aux intérêts du grand groupe qui le possédait ; cependant il ne faudrait voir dans le système post nations une quelconque censure dans le sens classique du terme, nous n’étions plus au XVIIe siècle, à présent tout était permis, ce n’était plus une question de révélation, l’information était infinie et l’accès au réseau était libre, non, c’était une question d’émergence significative de l’information, car justement l’information étant désormais infinie, il fallût un mécène médiatique à une information, un " piston " disait-on alors, l’aval et le sponsor d’un grand groupe avaient remplacé le roi et les ducs qui te soutiennent et te passent la commande d’un portrait, d’une composition ou d’un ouvrage philosophique, tu avais besoin d’un passeport pour une exposition privilégiée, sinon ta mise au monde, ta mise au réseau se passerait dans l’anonymat de la toile écrasante, tu serais noyé parmi la foule numérique, tu passerais inaperçu, on ne t’écouterait même pas, il était vital d’être soutenu et porté au firmament des idées pour que ta naissance puisse émerger de la masse informe des données du monde, explosées, folles, étouffantes ; l’information avait tué l’information, la liberté totale avait tué l’indépendance, les multinationales contrôlaient tout, elles étaient par ailleurs de plus en plus qualifiées de grands groupes, la notion de nation s’effaçant peu à peu, mais en 2012 l’homme moyen ne voyait pas encore très clair, il était submergé par l’image et la consommation, tout changeait, tout fuyait, tout dérapait, c’était même plus du dérapage d’ailleurs, à force de se faire mal le mal devient une habitude, une routine, une indifférence et donc! donc il paraissait évident, comme allant de soi, de permettre à l’économie toutes les sauvageries imaginées, à condition que le principe de capitalisme fût respecté, le principe de libre concurrence, le chacun pour soi, le meurtre humanitaire, la croissance exacerbée, le profit était Dieu et en 2017 l’Olympe définirait sa loi céleste, son monde, ses Dieux, ses sujets. Après quoi les détenteurs du pouvoir, les maîtres du monde, cerclants une table d’administration aux informations secrètes et inviolables, protégées par les meilleurs pirates de l’information, régneraient sans partage sur la planète grise (on avait renoncé à la trouver bleue, le droit à la pollution fut définitivement entériné en 2018 lorsqu’on trouva le moyen infaillible d’en protéger tous les nantis, dès lors il devenait inutile de ralentir la croissance). Certes les nations subsistaient, comme la Chine par exemple, qui en outre rachetait beaucoup de pays d’Europe, mais elles étaient l’équivalent des monarchies européennes du XXe siècle, elles figuraient de galerie marchande, de paravent médiatique, elles étaient garantes d’une mutation en apparence plus lente, pour que les banlieusards du capital – ceux en périphérie du capital, les aspirants à la richesse donc – ne s’effarouchassent pas trop et restassent dociles, productifs, consommants.
Mais des séismes perceptibles pointaient çà et là, je voyais bien, les pensions faiblissaient, les allocations chômage devenaient minimes et coriaces à l’obtention, les édifices publiques tombaient en désuétude, tandis que le privé te proposait une offre sur mesure, c’est-à-dire à la mesure de ta valeur boursière, les vieux pauvres crevaient à chaque canicule, sinon à la prochaine, les vieux riches baisaient le monde entier, ils entassaient leurs milliards et foutait sur des nanas de quinze ans conformément affinées au bistouri, bourrés au VIAGRA ils flanquaient la terre de tous leurs bâtards, et les jeunes loups déversaient toutes leurs forces dans la bataille économique, dans l’espoir d’un jour devenir un vieux cochon friqué nanti sucé léché craint et respecté à l’anus. Un poil de cul d’un millionnaire valait une greffe de foie d’un besogneux, et une touffe de milliardaire se faisait entretenir par des jeunes gigolos bronzés au solarium et gonflés aux injections hormonales. Je voyais bien... Mais j’avais gagné ma place, c’était cool.
Pendant ce temps la marmite bouillait vilaine ; toutefois, en apparence, c’était calme, une bonne bière, éventuellement un joint (légalisé et en promotion chez carrefour), écran plasma de 110 centimètres pour voir un héros, Kakà par exemple, marquer des buts et sortir ta vie de sa merde quotidienne répétée, en numérique Very High Definition si t’appartenais à la classe intermédiaire, celle qui jouit d’un pouvoir d’achat respectable, et redoute affreusement la relégation à la classe inférieure, celle du con de pauvre, ou écran holographique pour l’arrivé voir si son poulain honore son investissement en bourse ; si t’étais le con de pauvre tu ne regardais pas le match, tu t’entraînais dur dans l’espoir d’une rédemption sportive, tu serais une marchandise adulée des pauvres, et dopée et méprisée par tes dirigeants, mais tu serais une marchandise de luxe et ta femme serait probablement une mannequin top model qui prendrait plaisir à te sucer la bite. Quand elle aurait environ trente-cinq ans ses rides deviendraient trop évidentes ; à ce moment-là tu la plaquerais pour une pouffe identique de seize ou dix-sept ans, si ta nouvelle chatte décevait tu passerais à la suivante ou tu reviendrais dans les bras de ton ex, lui offrant en guise de pardon une séance d’injection de toxine botulique, aussi répertoriée sous le nom commercial de Botox.
Je sentais bien l’exaspération ambiante, les vitrines étaient de plus en plus alléchantes et les revenus de moins en moins léchés. On s’acheminait vers un tout ou rien avec un tampon de travailleurs forcenés entre les deux pour lier la sauce et donner du goût au fameux rêve américain. Nous vivions une ère caractéristique des USA années quatre-vingts, à ceci près que nous communiquions encore un peu en français, même si il est vrai, l’anglais peu à peu infiltrait toutes les couches de notre population, les pauvres faisaient les malins en baragouinant des américanismes très tendance et très " gangsta ", et les riches donnaient leurs ordres aux esclaves du monde entier en anglais. C’était vraiment pratique comme langue, s’enrichir et dépouiller, Shakespeare approuvait. L’anglais était la langue d’un système, le système capitaliste anglo-saxon, et ce système triomphait sur toute la ligne, dès lors il était inévitable qu’il se généralisât à l’ensemble de la populace mondiale ; par analogie, le français avait été la langue des riches et des érudits des XVII ,XVIII et XIXe siècles, le russe, dans sa formation littéraire fut l’enfant du français, le plus grand poète russe, Pouchkine, écrivit d’abord en français, Dostoïevski ponctua sa grande œuvre des mots de Voltaire, Nietzsche aussi, et pour ainsi dire toute personne un tant soit peu éduquée et cultivée ; le français était la langue des philosophes, des romanciers, la langue des relations officielles entre États, la langue des sciences, la langue du Roi-Soleil, des règnes de Versailles et de Paris, le français rayonnait à travers et de par le monde, amen.
La langue de la spiritualité avait perdu le combat, c’était la langue du matérialisme qui l’emportait haut la main. Mais la guerre était à venir... Au fond, le fanatisme nabien était presque légitime, il était mystique au premier degré, dommage.

Ecrit par Jokeromega, le Lundi 20 Février 2006, 17:23 dans la rubrique "Chantier fermé".