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Des vertus, de la vanité et des piliers

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" Des vertus ! " s’exclama le comparse sidéré.
" Oui, des vertus... J’aime le sarcasme, vous savez, mieux vaut l’avoir en perspective quand on aborde mon discours, et puis, la pratique du second degré est une subtile façon qui permet de diluer un peu la tension inhérente à ce genre de sujets, les ardoises du passé dédramatisent d’elles-mêmes dans la bouche de l’ironie. "
J’étais fier, je marquais des points, je savais, je savais évaluer mon taux de pénétration mentale, leurs cerveaux pouvaient pas l’emporter, pas le calibre à ma hauteur, ah ça non...
" Et vous pourriez développer plus votre point de vue sur ces deux vertus ? " insista le présentateur vedette.
" Naturellement, fis-je dans mon assurance, le fascisme, c’est le refus du progrès politique, c’est la réaction du cheval qui cabre et veut retourner comme avant, dans sa vieille écurie totalitaire et capitaliste, capitaliste d’état ! À cet effet on peut dire que nous vivons l’ère la plus fasciste de toute l’histoire de la civilisation humaine, quant au racisme... "
" Et pourquoi Frank, la plus fasciste ? " questionna-t-il.
" Oh... c’est évident pourtant, mais le truc, c’est que ça ne se passe plus à l’échelle nationale, oui, plus nationale. Alors que la nation, dans son chauvinisme exacerbé, était tout de même le fer de lance de l’idéologie fasciste, non, c’est la planète entière qu’est facho désormais, jamais système n’aura été si autoritaire, si puissant, si concentré ; la mondialisation est le plus intransigeant des processus totalitaires, le corporatisme est plus roi que ne l’eût jamais rêvé le Duce, les corporations ont juste changé de nom, d’abord " multinationales ", plus récemment " grands groupes ", plus doux je suppose, travail d’image, et l’image ! ohlala, que je commence pas ! Le fascisme basait sa force première sur la propagande : radio, cinémas d’actualité, journaux, grands rassemblements. Rien n’a changé, tout a démesuré, voilà tout, mais on le voit bien, grands groupes de télécoms, réseau et éditions, tout a fusionné dans les mains de deux trois grands sièges et demain ? Demain ! Ah ! Mais ils diront qu’ils apportent la liberté, ce si cher privilège intrinsèque de tout individu, hé ! mais quoi ! Hitler aussi apportait la liberté aux allemands ! De nos jours je dirais néanmoins que la différence essentielle est qu’il n’y aura pas d’holocauste de juifs, nulle ethnie ne sera ciblée, ce sera juste un holocauste de pauvres, on cible la classe économique, elle est seule à avoir triomphé des âges et du temps, toutes les autres discriminations ont décédé, ou sont sur le point de claquer, le fric obtient dès à présent la majorité absolue de préjuger des hommes. De toute façon personne n’a jamais apporté la liberté à qui que ce soit, il n’y a que des hommes qui ôtent la liberté à d’autres hommes, ça ne saurait s’offrir la liberté, mais ça se restreint facilement. De nos jours, on évolue dans un système qui prescrit beaucoup de liberté, et réduit de plus en plus son domaine d’application, son champ d’utilité. À quoi bon se voir pousser des ailes si c’est pour que ta cage se rétrécisse d’année en année ? Marche ou crève ! Un homme du XXIe siècle, en première approche, c’est chacun pour soi. "
Je n’étais pas interrompu toutes les deux phrases. Je n’étais pas interrompu du tout ! Étonnant. J’en profitai, je devais vraiment écoeurer pour susciter telle sérénité.
" En fait, je vais vous dire, rarement quelqu’un aura été socialement aussi peu fasciste que moi, même si, a priori, chaque créature humaine implique une part plus ou moins grande de fascisme... "
" Mais... " interrompit Marco.
" Attendez, je vous explique, le fascisme s’érige de quatre grands piliers. Le pouvoir fort, le sentiment nationaliste exacerbé, réactionnaire et sécuritaire, le corporatisme, et le respect des structures capitalistes étatiques. Mais quoi, ça vous parle ça, hein ? Je vais trop vite peut-être, tiquez pas, je vais expliquer, je sais bien, beaucoup ont largué là, mais patience, persévérance, confiance ! je vous dis tout, si simple ! si vous saviez, je vous le déballe. Premier pilier, le pouvoir fort mène progressivement à la dictature, c’est sa mission, il répond à cet orgueil humain d’imposer, par profit ou par vertu, oui, du profit et de la vertu, Wall Street régule, le pape recommande, les moutons obéissent, les badauds applaudissent, je photographie et je développe mes clichés. Bien huilé bien réglé, cul et chemise, ils ont la chemise mais je vais renifler leur cul. Ensuite, deuxième pilier, c’est la nation indiscutable, avec un zeste de racisme, mais sans plus, en symptôme mais pas en motif, la nation aime conserver, détenir, gérer, ordonner, agencer, décider, concentrer, à l’image de ses créatures, elles s’habituent vite ses créatures, et elles voudraient conserver les acquis des habitudes, s’y complaire, dorloter au soleil, siroter dans des pensées déjà pensées, des consciences déjà conçues, de l’établi, du rassurant, du serein, le changement l’imprévisible effraye les instincts, alors il faut de la stabilité, à tout prix, et par tous moyens, si t’es dans le chemin on te dégage, c’est tout, faut le comprendre ça, après ça va mieux, respecte la tyrannie et la tyrannie daignera t’ignorer, c’est équitable comme projet, non ? Ce pilier-là est tombé, il est un obsolète, les nations, oh les nations se sont bien accrochées, et encore de nos jours ! mais regarde, vois l’évolution, vois combien le réseau a effrité le mensonge de l’idée nation, vois combien l’homme moderne habite cette immensité éclatée qu’est le réseau, vois ! Mais le vois-tu ? Ha ! Pas grave, je suis là pour ça, you are my welcome ! "
" Mais... "
" Pas de mais qui tienne! Ouvre tes esgourdes Marcassin. Le truc qu’il y a eu, c’est que l’homme... lui l’homme ! il en avait besoin de son prémâché, son lot d’histoires pratiques, son précuit d’idées dociles qui tombent tièdes dans le bec. Alors ils inventèrent la publicité, le pop-corn et le football pour compenser. Pendant que les nouveaux chefs du monde offraient des jeux ils mangèrent ces chefs tout le pain disponible, ils devinrent ainsi des gourous à l’échelle macroéconomique, le rêve était splendide, il méritait beaucoup d’oscars.
Hé, mais, et le profit dans tout ça ! Et la vertu ! Hé bien, on est en 2014 mes loulous, et marquez-le, avant 2020 Dubaï régulera, et la Secte Technologique commandera, avant 2020 ! je prends les paris ! "
" Vous ne croyez pas que vous... "
" Tais-toi Carrelage (c’était le nom de comparse) ! Mon troisième pilier ! Le corporatisme, ha, le corporatisme, voulez que je raconte son histoire au corporatisme ? Hein, voulez ? La vérité, on dépendait tellement des autres, tellement besoin de se faire voir, aimer, choyer, ou, plus simplement, besoin de se faire remarquer, besoin d’exister dans le regard de l’autre, son cœur, ou sa haine, mais besoin ! oui besoin d’exister, de susciter, d’exciter, de passionner, de fulgurer ! tellement besoin, quitte à se corrompre, que déjà notre ami Benito l’ayant bien compris avait joué sur les grands agrégats, syndicats d’ouvriers, syndicats patronaux, groupes de ci groupes de là. Mais il y eut de nets abus, alors on trouva la solution, les grands groupes, autrement dit le grand abus, plus à discuter comme ça, plus de taille, t’es dedans et tu branles à vie, ou t’es dehors et tu raques rotor. Équation terminée, CQFD pigeon, la soupe est servie, à table les mignons. "
" Enfin ! Frank ! C’est bouffonnade ! Vous roulez des mécaniques, mais où le sérieux, où le nécessaire sérieux, hein, où donc ! Vous ne pouvez pas... "
" Si je peux, je peux tout ! J’ai la faculté ! Pas contestable moi, de la bouffonnade... je veux ! et revendique, allez-y la contester la bouffonnade, pas réalisable, pas traitable, je sors du cadre de vos saloperies, je glisse des mains, pas recyclable moi ! Je rentre pas dans le moule, j’insère pas ! Ha ! Quoi ! Des théories qu’il faut ? Hein, théories les enfants, c’est ça, dont ça, et rien que ça qui parle, hein, du hypothèse, du thèse, du démontré ! Ha ! Sans moi ! Oh mais je sais, allez pas croire, je sais même mieux, ha ! vos démonstrations, trois par jour, au petit dèj., croissant à main, je vous la redémontre votre exégèse, vos paradigmes là, et quoi ! épistémologues, et philosophes, et banquiers ! Tous là ! Je vous redémontre le métier, à sauce ! ma sauce ! je sauce sur tout, je redémontre en démontant le chapiteau, fini la rigolade mes agneaux, place la bouffonnade, ha ! La bouffonnade, pas rien ça ! Je dis, je le dis, je veux ! Ah mon oncle, j’ai du taureau dans le sac, olé ! "
" Ça devient n’importe quoi Frank ! " tonitrua Marcassin.
" Parfait, c’est donc adapté, impeccable, rentré, tradition de la maison, en ligne directe, et tes consœurs pareil, toi-même tu sais, viens pas nier ! Et elles non plus ! Je disais donc, c’est-à-dire, mon quatrième pilier, le capitalisme étatique, et, bon, il a muté le bébé, et l’eau du bain avec, Benito avait déclaré, attendez, je consulte mon assistant intégré (All-in-one personnalisé), ah, voici, je cite, source Wikipédia :
" Le fait est que le XIXe siècle était le siècle du socialisme, du libéralisme, de la démocratie, ceci ne signifie pas que le XXe siècle doive aussi être le siècle du socialisme, du libéralisme, de la démocratie. Les doctrines politiques passent ; les nations restent. Nous sommes libres de croire que ceci est le siècle de l'autorité, un siècle tendant vers la "droite", un siècle fasciste. Si le XIXe siècle était le siècle de l'individualisme (le libéralisme implique l'individualisme) nous sommes libre de croire que ceci est le siècle "collectif", et ainsi le siècle de l'État. "
Benito s’était trompé de siècle, trop tôt venu, le XXe siècle serait tout ce qu’il y a de plus libéral et de plus social, à cheval sur le Mur de Berlin, écartelé entre deux mulets, avec l’Europe occidentale du nord qui tenait bon, sorte de havre de paix et de réflexion, on s’en rappelle encore sous le qualifiant de " démocratie à la Française ". Il est loin ce temps, déjà, hé oui... pourtant, à peine hier, on croyait encore, mes amis... mais le temps fila à l’anglaise ou plutôt, à l’anglo-saxonne n’est-ce pas, on s’est ramassés une américaine ! Oh... Ce pût virer plus vilain que ça, pour peu on chantait allemand, et pour moins que ça la même en russe. Finalement on mange chinois et Mac Do, c’est presque décent.
Les doctrines politiques passent ; les nations restent. Les nations ont passé ; la politique est obsolète (en son sens originel) ; place à l’absolu : un conseil d’administration, avec, un président, un secrétaire, abritant des conseillers administrants leurs quatre volontés au reste du monde. Si t’es pas content on délocalise, si t’exiges une rémunération on délocalise, si tu ne dis rien on délocalise, si tu te plains on délocalise, sinon on délocalise, de toute façon. S’ils pouvaient, sur Mars qu’ils délocaliseraient! Ha, fichtre, j’aurais pas dû ! Une idée ça, une idée !
En fait, en triomphant la politique américaine a tué la politique, c’est une non politique, un cheval de Troie, une suicidaire, une bombe à retardement. Elle commence par fleurir, puis, quand elle a semencé la terre entière, elle te montre son vrai bourgeon, un espèce de monstre insipide et insensible, tyran gigantesque aux appétits insatiables, il ravage le sol et pollue le ciel, il a gagné, et on ne peut plus faire marche arrière, c’est comme ça. C’est pas un hasard si les politiques majeurs des U.S.A. sont tous friqués à milliard, ils ont prévu le coup ! Et mieux, ils ont prémédité le coup ! Ha ! Pas d’illusion ! Bien préparée leur saloperie, minutieuse, aux oignons, et tablier ! et champignons ! j’hallucine ! mais non, comme tel ! ils ont inventé le capitalisme pour t’exploiter en toute liberté, L-i-b-é-r-a-l-i-s-m-e mon pote ! le sourire aux lèvres, la bite dans le cul. "
" Et tu oses te proclamer très peu fasciste, dit Carrelage, mais rien de plus réac. que toi. Bon, moi aussi j’aime bien la gauche tout ça, un peu, mais toi ! toi ! "
" Moi, repris-je, moi ! ha mais moi ! pas gauche ni droite ni rien ! Moi pas savoir, pas vouloir pas besoin ! Moi je suis pas fasciste social, je suis fasciste pour moi ! fascisme mental moi, et à cela fasciste monstre, sens artistique du terme, pur de toute entaille, car l’artiste à mes yeux se doit faire preuve de la plus grande vanité, oui, en cela je suis fasciste, parce que mon œuvre s’impose d’elle-même, totale, englobant, libre et préservée de tout, apte à tout et docile à rien, oui, la vanité, la vanité. "
" Mais la vanité, dit le comparse, n’a-t-elle pas justement enfanté les grands totalitarismes d’antan et présent, les grandes tyrannies dont vous vous défendez ? "
J’aimais bien les gens intelligents, leur résistance introduisait la voie royale de mes digressions, la démonstration était alors grandiose.
" Qui, moi ? Moi ! Oh mais non ! La tyrannie, je revendique ! Ohlala ! Alors là, mon ami ! Non, le problème, il y a quelques individus légèrement intelligents avec ça de caractère, et une masse soit très bête soit très molle ; alors ces caractères malins en profitent pour faire triompher leurs petites théories, leur ego est heureux ainsi, et, comme ils sont seulement un tout petit peu intelligents ils s’imaginent qu’il en vaut la peine, tout leur cirque, savez, les conquêtes, les batailles, économiques, politiques, littéraires, et encore et toujours. Bon, bien sûr la vie est un combat un tumulte une lutte de ouf, oh comment ! Mais infime le nombre de ceux qui connaissent le combat élégant ; l’élégance, le style, le noble, c’est one in a million, quoi, même pas ! Un par dix, vingt, trente millions ! Si le cru est bon ! Et donc celui qui procède de l’élégance, celui-là ! Ha celui-là ! Il se doit à la tyrannie, c’est un devoir, un sacré ! Le misérable est partout, partout ! Ha non je vous le dis, le beau est sommé, sommé ! d’écraser de tout son splendide ! Juifs je suis arrivé ! Charles tu le savais ! Chrétiens enfin ! enfin du sérieux, finis les miracles, place à Dieu, Dieu c’est mieux. "
" Hé bien Seigneur, dites, modeste vous alors ! " s’amusa Frank Dubosc, peu inspiré il est vrai. Mais le public exalta, à bout, tendu, exaspéré, il en avait bien besoin, confronté à tant de beauté, la moindre mièvrerie était de bonne chair.
" La modestie, repris-je spontanément, la modestie, voyons la modestie ! Je connais ma politesse, la modestie je la laisse aux modestes esprits. "
Au lieu de faire semblant de rien, le public me hua, confirmant ainsi sa bêtise profonde, solide, immuable.
" Mais non, mais non, intervint Marco, je suis persuadé que Frank plaisante, allez, allons, enfin ! "
" Non, pas du tout, je suis même très sérieux ! "
" Non, je faisais allusion à votre autoproclamation divine. Je me doute de votre ironie. "
" Hé bien vous doutez mal mon cher ! Je suis Dieu, et pas qu’un peu ! "
" Dieu, mais, enfin... "
" Il n’y a pas de mais ni d’enfin, je suis Dieu du début à la fin. Cependant, étant donné vos antécédents de simple mortel, je consens à vous lâcher quelque explication. "
" Oui Dieu, dit le comparse, bénissez-nous ! "
Le public rigola un bon coup, moi aussi, certaines créatures paraissaient encore récupérables.
" Tenez. "
Et je tendis un papelard déjà bien entamé ; froissé, grisonnant, en boule. Marco demeura interdit.
" Allez mon vieux, vous attendez quoi de le déplier. "
Il le déplia, puis figea.
" Mais lisez bon sang ! Je vous demandais pas de déplier pour déplier ! "
" C’est que, alors là, hé bien, vous êtes plus atteint que je pensais ", fit-il remarquer.
" Justement, m’enjouais-je, raison de plus, lisez, peut-être que j’en atteindrai d’autres. "
Il lut.

Ecrit par Jokeromega, le Jeudi 9 Mars 2006, 18:26 dans la rubrique "Chantier fermé".