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Ces pensées qui abîment, Agence cybernétique de songerie adulte

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--> épisode 5

Je me réveillai en sursaut le front trempé. J’écartai une dernière fois la tenture. Du gris partout. Ciel, blocs, gens. L’univers faisait la gueule.
Le temps passa, je faisais en sorte... Il devait absolument passer. Des mauvaises rumeurs traînaient à mon sujet...
La solitude sollicitait mes nerfs mais perdais-je au change ? Ici ou ailleurs... La paix ! Si seulement... Mes émotions livraient bataille. Et je refusais de capituler ; dérivant tout seul comme un grand.
Bien des événements se présentèrent... mais cela est si loin, si loin... et le temps me manque, il accélère ! sans pitié. Il ne restera que les grandes lignes. Vraiment, on ne se souvient que de l’aigu. Le souvenir est une vaste ruine.
Je revois cette fille prénommée Lola. Â Lola... Comment déjà que ça avait commencé tout ça ? Lola... Oui, comme cela. Mais d’abord il y avait eu cette lente et longue descente. Cette lente et longue descente. La pieuvre binaire bouffait les brebis égarées.
L’expérience virtuelle attire de son chant mélodieux... Elle comble le vide qu’elle met en évidence. En fait, elle remblaie.
Nous disions solitude ? Des interconnectées... On aligne les zéros que nous sommes. Ô être humain... victime de ta propre invention, tu l’aimes ton Frankeinstein ! Nous sommes des excroissances reliées. Des no life.
Mais qui peut prétendre vivre ?
Le grésil de pixel brûlait nos prunelles. Nous participions à une expérience géante. Une expérience dont personne ne sortirait indemne. Car nous étions le fruit de l’homme. Créature de créature.
" Salut, connectée depuis longtemps ?
– Non. Comme toi je viens d’arriver.
– Tu vas bien ?
– Non, et toi ?
– Aussi mal.
– Tu fais quoi ?
– J’essaye d’aller bien. Et toi ?
– Je me scarifie. Bon, je te laisse.
– :’-(
– Keep cool. "
Le chômage, l’immigration, la pollution, le terrorisme, le divorce, la drogue... Le monde s’ouvrait. La terre était notre mère. Notre mère était une catin. Toutefois, début millénaire nous n’étions qu’une minorité à surfer du lever au coucher. Nous étions l’écume annonçant l’océan.
Il y eut des suicides en direct et en public. Toronto, Sydney, Tokyo, Paris, Bruxelles, Bali, Beyrouth, New-York... Webcams partout.
" Elle l’a fait, tu as vu ?
– J’étais connectée.
– C’est triste. "
Le curseur scintilla lentement.
" Sans doute.
– Pourquoi sans doute ?
– Je sais pas.
– Pourquoi tu parles alors ?
– Pour tuer le temps.
– Elle est morte c’est triste.
– Vivre est encore plus triste. "
Il y eut de bonnes choses. Il y en eut de moins bonnes. Nous étions simplement confrontés à un séisme.
" Je vais me suicider.
– N’en fais rien ! S’il te plaît...
– Trop tard.
– Pourquoi ?
– Aucune idée.
– Pourquoi le faire si tu ne sais pas ?
– Justement. Parce que je ne sais pas. Je ne supporte plus mon ignorance.
– Arrête tes caprices. C’est absurde !
– Raison de plus... Bon, je dois y aller.
– Attends !
– Non, c’est important.
– Quoi ?
– On m’attend. Un anniversaire. "
Il y avait de tout. Méfiance ! Surtout les adolescentes ; elles crient souvent au loup.
Ding dong.
" Billy ! Nom de Dieu Billy ! Merde ! Il roupille encore ce lascar... " Francis s’émoussait sans savoir que j’attendais non sans plaisir qu’il montât le volume encore un peu.
" Billy nom de nom de renom d’un fils du chameau ! "
– P’pa ?
– C’est pas trop tôt tas de fainéant. Espèce de vaurien ça t’amuse ? Quelqu’un pour toi.
– J’arrive, j’arrive... Ah, c’est toi Togo. Quoi de neuf mec ?
– Tranquille... et toi ? On ne t’a plus vu ; sorti du radar !
– Devine pourquoi... "
Silence. On se tenait là, debouts comme deux couillons en manque de répartie. C’est pas ça, il me restait de l’intention, mais l’habitude se perd quand même. Vivre en société exige, c’est peu de le dire, une réelle dose d’humour. Mais une blague peut vite tourner court. Chaque regard introduit l’inquisition, chaque bouche viole, chaque rictus est de trop. Rare l’âme bienveillante ; et plus rare encore l’âme congrue. Chaque interlocuteur cache un envahisseur, chaque protagoniste un oppresseur. Bien souvent les importuns ne le font même pas exprès. Le terrorisme commence souvent par un sourire.
À toi de passer inaperçu, me dis-je, et j’ajoutai à voix bien haute : " Je t’ai bien eu ! "
Mais Togo n’était pas un vélo. Il reniflait ce genre d’escroquerie. " Qu’est-ce qui cloche chez toi, Billy ?
– Ma sonnette, 7euros50 au Brico.
– Esquive pas ! Ça fait un bail que t’es planté là on se demande à quoi... T’as dû la cogiter, non ? Tu t’y connais toi, en théories. " Il avait de son poing tapoté mon crâne. Un bon gars... Un vrai gars à moi. Il ne pourrait rien y changer mais c’était bien essayé.
" Viens Togo. On va taper des sprints.
– Des sprints ?
– Des sprints Togo. Comme au bon vieux temps. À l’arrache. Pas d’esquive !
– Ça roule ma poule ! "
La nuit s’était infiltrée, les lampadaires accompagnaient nos ombres. Les corps laissaient les instincts s’exprimer, les sentiments se simplifiaient. Tout bien pesé, l’homme n’est jamais tant à sa place que lorsqu’il court comme un cheval. Alors il rayonne, heureux sans chichi, alors il cesse la triche, heureux pour de bon sans tout le barda dans la tête. Rien ne peut approcher la plénitude de l’effort, là, juste au zénith, dans l’adrénaline et la sueur, en latence de soi-même, on survole son existence. Mieux. On s’en balance de son existence. On existe sans rendre de comptes. Comme un chien, une girafe, un phoque. Parce qu’on est restés des singes, des singes qui un jour se sont fourrés trop d’embrouilles dans le cassis.
" Hé ! On se ferait bien un petit lupanar. "
Togo me sidérait, je le voyais pas trop pince-cul et pour tout un tas de raisons, à commencer par sa madame et la gosse, puis sa belle petite gueule et la tchatche facile. Il savait tomber n’importe quelle canon un tant soit peu disposée.
" Allez, viens... insista-t-il pourtant, pourquoi tu tires cette tronche, t’es jamais allé ou quoi ? "
Perplexe, j’évitais son regard. Du coup son regard redoubla d’intensité. Il en voulait.
" Je ne comprends pas, articulai-je.
– Mais y a rien à comprendre couillon ! C’est baiser qu’y faut faire. "
Quelque chose me chiffonnait. J’eus la faiblesse de le confier.
" Je te vois mal dans te tels draps, ça colle pas. Serait-on pas ignobles d’aller fourrer ensemble... comme des bestiaux ? "
Le retour fut morose et silencieux. Entre êtres humains, au bout d’un certain temps, on s’aperçoit qu’il n’y a réellement que le silence qui puisse nous lier. C’est pas pour rien les cimetières. Ils mettent d’accord tout le monde.
" Togo... "
Sur le point de partir, Togo s’interrompit, questionna mon visage.
" Sinon... la famille... comment va ?
– La famille... " reprit-il pensivement.
Comme si c’était le moment d’évoquer ! Crétin de Billy. Trop tard maintenant...
" La famille... Tous les jours que Dieu fait, quand je me lève, j’ai ce petit bout de chou que ses prunelles écarquillées me fixent... Ça vaut tous les shoot du monde. Crois-moi. T’entends, le vrai trip c’est donner la vie. "
Je l’écoutais attentivement. Sinon j’en donnais l’apparence. Sans trop savoir au juste. Peu importe.
" Et ça... " Il ponctua sa thèse. " Y a que le jour de l’accouchement que tu le pigeras. " Pensif deux secondes. " Ce jour-là deux naissances ont lieu. "
Togo commençait à se prendre pour un poète. J’aurais dû la sentir ; quand ils s’attendrissent faut se méfier. Ça sent l’oignon, ils finiront par se prendre pour le curé ! Si on ne réagit pas à temps faudra supporter leurs sermons évidents comme le nez au milieu de la figure. Le pire, songeai-je, Togo a probablement raison. Oui, probablement... mais moi je bite que du Baudelaire. Le reste sent trop le fumé.
" Et la petite femme ? (Je le sondais.)
– Dix kilos de plus. "
Quoi de plus normal, me dis-je, une fois qu’elles sont casées. Avant de reprendre la parole je me souvins toutefois qu’un malheureux n’a pas besoin de la réalité per se mais d’encouragements.
" Oh tu sais Togo, les poulettes ont leurs phases gâteaux mille-feuilles. Mais vois-tu, ça peut se rétablir d’un coup net, comme ça – en quoi ? – deux-trois mois, parfois trois-quatre semaines. Tu serais bien étonné, fidèle ami, des résultats du régime "une pomme par jour". Allez vieux, te fais pas de mouron. Ça viendra...
– Je la serine Billy !... " Togo soupira. " Rien à faire, ce sera jamais une sportive. Elle attrape des crampes en soulevant le balais. Pas moyen, une vraie barque. "
J’allais le contredire mais je nous aurais manqué de respect. " C’est moche ", formulai-je sobrement. Et effectivement c’était moche.
" J’attends la majorité de ma gosse.
– Le temps que la petite se trouve un mac... "
Togo me dévisagea. Il n’avait pas apprécié le trait d’humour.
" Je plaisante...
– Je m’en doute, dit-il, je m’en doute. Je te fais marcher.
– Tu me phones alors ?
– Compte sur moi. "
Je laissai la grosse porte de fer se rabattre dans son cadre métallique. J’avais un drôle de goût en bouche. Le bavardage ne me disait rien vaille. Je me sentais indigne. Ça n’allait pas. Les hommes... nous tous ces existences... on se marche sur les pieds... on se piétine l’honneur. Vagabonds l’un sur l’autre. Ha...! Les évocations en profitent... attendent que ça ! On se refile les saloperies, on s’inscrit le disque dur, tout le catalogue défile... humiliations, abaissements, avilissement, à l’odeur incrustée, qu’on traînera jusqu’au bout, jusqu’au bout.
Ce soir-là je m’endormis d’exhaustion. Le lendemain après-midi je m’éveillai veule et battu, entouré d’évocations. Rien n’avait changé depuis la veille.
Les évocations...
" Salut, moi c’est Julie. " Ses yeux ajoutaient : " Je te trouve mignon. " Des tout bleus, tirant sur le gris. Un truc de chatte ! Du coup... je me sauvais. Tout vilain... Je voulais pas ! Sans moi la caille. La drague ? Non merci, elles exigent trop de sourires, des bien grands bien cons. Évidemment se pose alors le problème de la relation autosexuelle. On se trouve vite plein les doigts.

Ecrit par Jokeromega, le Samedi 12 Mai 2007, 06:52 dans la rubrique "1.La farce des abîmés".