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Ces pensées qui abîment, Agence cybernétique de songerie adulte

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Méfiez-vous du petit sommet d’iceberg, les arroseurs seront arrosés

--> épisode 3 (nouvelle mouture)

Les voisins d’à côté gueulaient. Une gueulante de film d’horreur. Je savais vraiment pas ce que je foutais là. Bon, c’est bien la porte d’entrée du nid familial ? J’étais de retour, et savais toujours pas ce que je foutais là.
" WOH ! WAH !... WOH WAH HI !... TIENS ! prends ça ! Hein que t’en veux cochonne ? "
Je reconnus, l’oreille collée à la porte, la voix suave et virile de Rocco Siffredi.
" A-a-a-a-a-ah ! Ouuuuh... Ouuuuuiiii... répondit la bergère au berger, OUI ! OUI ! OUI ! ! !", souffla-t-elle encore, hors d’haleine. " Comme... ÇA ! Maintenant mets-là dedans. "
Il s’exécuterait, fidèle serviteur, mon voisin qui se prenait pour Rocco le prince de ces dames.
Je trouvai refuge en notre appartement. Le doux nid familial, en définitive, procurait encore la meilleure des prises de tête. Laisse tomber les sorties... Rien de tel que mon père... Le chef, figé devant son poste, un vieux matos d’avant le numérique – il ne voulait rien savoir de ces " petites choses de branleur " – dormait paisiblement ; la fée cathodique avait versé le sommeil sous ses paupières. Même programme que notre voisin... on voit ça d’ici. La fille de joie suce en vain. Toute une vie, et jamais son existence se relèvera. La joie aux autres... à peine, vite fait ! déjà affligés, eux aussi... Il rit mon salaud ! Tout sursauté dans son rêve. Papa rit des larmes ! Le visage carrément fauché... La crotte de l’autre ça le bidonne ! Torché complet ! Il croit s’en laver les mains mais ce qu’il sait pas, des pognes de dégueulasse c’est fait pour la merde, toujours. Misérable diable ! marrant comme un jocko, chauve ! presque édenté ! Il ouvre les yeux, me surprend à le mater... éclate de rire... c’est reparti pour un tour. D’autres acteurs d’autres voyeurs, la roue tourne.
Je sautai sous mes draps. Ce soir c’était ça.
Je fus réveillé de bonne heure par l’ami Matebe. 7h30. Mon compteur de sommeil devait afficher dans les 25 minutes de répit. Juste assez pour se réveiller en sursaut, stressé et plein d’irritation.
" As-tu vu mon ami – à tout hasard – l’heure qu’il est ?
– Ouvre tes oreilles ! ", abrégea Togo d’un air sérieux et comique, son visage s’animant sur l’écran tactile de mon PDA. " Des gars louches quadrillent le secteur. Toute la sainte putain de nuit mon vieux ! Ils ont rendu ses lettres de noblesse au tapage nocturne. Enquête sur enquête, ils agressent tout le monde... Un Négro à eux s’est fait plier. Le coupable présente le profil d’un Blanc à vélo, la vingtaine cheveux courts, court vite et sait se battre. Les Renois ont confisqué son vélo et souhaiteraient le rendre au propriétaire. T’aurais pas une ’tite idée duquel cycliste ? "
J’avais intérêt à maintenir tranquille mon visage à l’autre bout de l’écran. C’est le problème de la technologie... on l’a pas vu venir, elle s’est infiltrée sournoisement, on s’est ruinés pour se payer un mouchard à domicile.
" Au-cu-ne idée Togo. J’y vois que du feu mais je fouille de mon côté. O.K., on fait comme ça ?
– Du feu ? Vraiment Billy ? "
Il avait insisté sur le Billy.
" J’en sais autant que toi. To-go. "
Je lui renvoyais la balle. Je le testais. Plus personne avançait de paroles. L’échange coinçait. J’aurais dû me méfier. Un Toubab sera toujours un Toubab. Il en est ainsi depuis l’époque fort reculée... Au Mali déjà, les médecins, les toubabs, avaient tous la peau blanche. Tous ! C’est ça le Toubab, c’est de là qu’il vient. Oui oui mon fwrèr... ça nous situe au bon vieux temps. Ensuite vint l’émigration destination l’Europe. En somme, la colonisation inverse. Friands de métropoles et d’assistance, les voyageurs s’entassèrent à Panam. C’est logiquement que leurs mômes appliquèrent le verlan parigot à l’idiome africain. Voilà ! J’étais devenu babtou. Son Babtou. Quoiqu’à la vérité Togo jacte le Swahili de RDC. Mais bon, l’idée est là. J’étais un petit Blanc...
Finalement mon Congolais rompit le silence de son rire granuleux.
" Je t’ai bien eu ma poule ! Qu’est-ce tu croyais ? Mais, entre nous, c’est gros Boris qui risque de grogner. Son vélo que sa maman lui a offert ! "
Gros Boris, 150 kilos à jeun, m’avait prêté son vélo sentimental.
" Stresse pas Billy... à part moi qui sait ? En même temps c’est vrai qu’ils ont la haine – tu vois la tempe ? juste au-dessus, la toute grosse veine. T’y es pas allé de main morte.
– Je te remercie pour ton soutien. Je n’en attendais pas moins de ta part Togo, sale enfoiré de Négro de mes deux ! "
Togo eut du mal à se rattraper, plié en deux, puis en quatre, non pas que mon humour raciste fût désopilant mais depuis qu’il avait évoqué gros Boris la banane ne laissait pas de lui chatouiller les commissures. On sentait que ça voulait venir... Quand j’avais commencé à me fâcher (pour de faux) Togo s’était lâché (pour de bon). Il ne nous en fallait pas plus. On se comprenait. C’est l’humour des gueules cassées.
" Je vais plonger quelque temps.
– Oublie pas d’emporter un tuba.
– Très drôle Togo.
– T’énerve pas. Si ça part en vrille j’enfile ma cape de Zorro.
– Inquiète pas. Je gère moi-même, quand on a merdé faut savoir torcher.
– Tiens-moi au courant.
– Je n’y manquerai pas mon ami.
– À plus cousin. "
J’avais mis le pied dans une sacrée bouse. Pour la troisième fois en moins d’un an je m’attaquais à qui il fallait pas. Dans mon biotope seuls les Caucasiens sont abordables... faut-il encore s’en mettre un sous la dent ! Où dénicher ? Ils sortent rarement de chez eux, en général à l’occasion de leur déménagement. Voilà, je m’étais attiré des ennuis pour les longues nuits d’été. Mon dossier s’étoffe, songeai-je les larmes aux yeux, ça devient du lourd !
J’avais beau me faire mousser je n’en menais pas large. Les petits rebelles dans mon genre se font, tôt ou tard, rattraper au tournant. Un jour ils passent le portique du bloc les bras débordant de commissions pour leur maman, là où une vingtaine de racailles font le pied de grue. Passage obligé... T’as intérêt d’avoir tes papiers en ordre. Sinon c’est l’amende et les points de suture. Je connais les habitudes de la maison. Non, je n’oublierai pas mon tuba, même si c’est le masque à oxygène qui m’est promis. D’ici là, si vous le permettez, je vais taper des longueurs dans ma piaule. Merde, c’est ras-le-bol ! On s’enlise. Tout fout le camp... comme toujours, les civilisations empoussièrent, tombent en friche... repli, oubli, vendu ! Plus personne rien foutre ! La Belgique est une mauvaise invention et le Pays de la guillotine se guillotine lui-même. Pourtant, tout bien pesé, ce n’est pas si grave. Toutes les peaux accueilleront des rides... C’est la seule vérité. Les artistes se trouveront toujours sous les peaux, toujours, sous toutes les peaux. Les cultures ! les cultures iront crever. L’artiste d’y survivre, telle l’étoile brillant malgré le crépuscule... Illuminera à jamais, bien après sa mort, au loin fin fond des mémoires, pour qui apte d’en recevoir le signal de rémanence, cette lumière posthume et nomade. Éternel souvenir immaculé. La culture en revanche, cette décadence annoncée, qu’en pouvoir sauver ? On échoue à se sauver soi-même... Et nous prétendons que perdure ? L’audace manque pas. Soit. J’écartai un tantinet la tenture. La journée arborait ses nuages matinaux, léger gris sur fond blanc, assez cotonneux dois-je dire, et du bleu dans les quelques rares trous. Quelques taches noires : un banc d’oiseaux passait par là. Du gris encore, un peu plus bas, en-dessous : les blocs à nous. En fait, tout cela ne présente strictement aucun intérêt. Je n’aime pas la nature. Je suis pas contemplatif moi. J’appartiens au XXIe siècle. Je préfère quand les pixels frétillent. Je suis le poète aux mégabits. Bon, très bien, et côté EuroNews qu’est-ce que ça raconte ?
Rubrique Perspectives. La chaîne d’information paneuropéenne vantait les chantiers extrême-orientaux. Cette fois on y est, les gratte-ciel vraiment grattent le ciel... à qui mieux mieux la gratte, à croire que les hommes cherchent des poux aux nuages. La nature se prend des liftings.
Le sujet suivant abordait une catastrophe humanitaire à l’ébauche. Quelque part sur le Continent noir la guerre civile faisait rage. Conflit subitement réveillé suite à de louches élections ; on dénombrait environ 2000 morts chez les rebelles animistes chrétiens et plus de 700 dans les rangs de la milice présidentielle islamiste. Heureusement la journaliste garde le sourire. Il y a de quoi. La France éplorée, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, use de son droit de " veto " et ne manque pas de vivement condamner les " velléités d’ingérence " du président américain. On chuchote sur les fora initiés du Web que le géant américain du pétrole, ExxonMobil, chercherait à supplanter son homologue français Total. Trois jours plus tard intervention de l’Égypte à l’Assemblée Générale de l’ONU qui ne boude pas son plaisir : chaleureux applaudissements et, à la sortie, accolades nombreuses entre dirigeants du Tiers-Monde, Ligue arabe au grand complet et représentants d’ONG altermondialistes, tandis que la Chine, imperturbable, poursuit tranquillement son commerce équitable en respect de la diversité des matières premières. La Russie appelle à la raison et au calme. Sur les plateaux de télé parisiens des philosophes engagés, des militants associatifs et des médecins sans frontière se chamaillent à propos du bourbier et de sa sémantique. Génocide ou pas génocide ? L’historique de la région est succinctement retracé. Razzias, massacres, esclavage, viols et autres joyeusetés émaillent depuis des décennies, des siècles et à vrai dire depuis que l’Afrique existe, le quotidien des locaux. Les enragés du Bien dans le monde, confrontés à l’indescriptible horreur, bouches bées, œil humide, se font peu entendre. La caméra se promène dans le publique, insiste sur quelque figure féminine affligée, évitant soigneusement sa contrepartie masculine généralement indolente. C’est horrible. C’est toujours la même chose. C’est trop triste. Le micro passe de main en main parmi le public. " La paix dans le monde est-elle possible ? " Les experts tergiversent. L’un d’entre eux, révolté, résume la situation globale à trois lettres : USA. Le jour où on fera tomber l’Empire du mal une impérieuse paix recouvrira le monde. D’ailleurs TV5MONDE annonce que Tsahal (cette officine de la CIA) a encore frappé. Sept morts trois civils deux enfants. Le membre du Hamas visé a semble-t-il échappé à l’attaque. La Communauté internationale condamne fermement cet acte déplorable. Toujours les mêmes ! vous dis-je. Les pacifistes n’avouent pas tous, mais chacun d’entre eux pense à l’axe américano-sioniste. Pour ma part, si la notion de " Communauté internationale " m’échappe, en revanche j’en connais une de résistante à l’Empire qui en a pour son argent. Cousine Charlotte ! Charlotte m’avait bien dit que la roue a tourné. À présent les rescapés d’Auschwitz pogroms et consort sont passés de l’autre côté de la cheminée, si j’ose dire. BAM BAM BAM ! ! ! Les Nazisionistes alignent les nouveaux Juifs, à présent musulmans, comme des pigeons. Malheur aux prospères ! Les soupçons alors s’intensifient. Prenez plutôt des Palestiniens... si délabrés... ils contrastent, et comment ! Le vent a changé, les cendres de l’Holocauste virevoltent ailleurs. L’imperceptible inversion... Hamas et Hezbollah constituent un partenaire autrement plus crédible, les associations de défense des droits de l’homme ne démordent plus. Tous les critères sont rencontrés. Pauvreté, exotisme, détermination. Qui saurait encore pleurer un Lévy ?... Bierbaum ?... Goldmeyer ? Est-ce une blague ? Pareils fats, opulents, puissants... et si peu coopératifs, toujours entre eux. Ces hommes sont inéligibles à l’humanité. Il ne se trouve pas sur terre plus parfait salaud. En plus si ils se mettent à taper à côté...
En gros, c’est ce que nous enseignait le système médiatique français. Mais il n’opérait pas tout seul, Al-Jezira défendait un point de vue assez similaire, légèrement partisan certes, mais assez lucide, à la française.
Tout cela commençait à sérieusement me taper sur les nerfs. Je me sentais de plus en plus juif. Par esprit de résistance. Ce peuple admirable avait tout traversé. Exodes, discriminations, Génocide, et finalement la haine d’un milliard de fous furieux... RESPECT. Inutile de goûter au reste de l’actualité, la France n’est que le sommet de l’iceberg européen, nos valeurs n’en finissent plus de couler et comble de l’ironie, la moitié des Juifs intellos, tous plus gauchistes l’un que l’autre, y participe, sapant chaque fois que possible le moral des troupes et, ce faisant, creusant leur propre tombe à venir très bientôt : lorsque – enfin ! – cet ignoble Occident se sera désoccidentalisé une bonne fois pour toute. D’ici là nos amis éclairés inlassablement désossent le vulgaire bout de viande avarié, sans se laisser décourager le moins du monde par les multiples démentis de la réalité, connaissant qu’un jour régnera la joie du multiculturalisme, du multiethnicisme, bref la joie du multiracisme.
Amusez-vous tant qu’il est encore temps ! Ce cadavre sur lequel vous dansez sera le vôtre ! Juif de gauche ! : ta gorge sera la première à goûter du cimeterre.
Mais il existe un autre archétype de Juif. Le " Juif de droite " qui, à l’instar de tout Juif qui se respecte, se présente sioniste en Israël ET exige en dehors d’Israël que soit respecté, protégé et chéri l’Occident millénaire SELON sa spécificité nationale séculaire, avec tout ce que cela suppose de réalité historique et ethnique. Contrairement à Juif de gauche qui professe aux autres ce qu’il ne s’appliquera JAMAIS à lui-même, ce Juif-là que j’ai baptisé " de droite " mais serais avisé d’appeler par son vrai nom : Juif d’avenir – seul Juif possédant un avenir – ce Juif-là dérange.
Évidemment qu’il dérange ! c’est le seul Juif qui a un avenir ! Ce n’est pas, on s’en doute, pour plaire à tout le monde... Quant aux autres Juifs, de " gauche " ou de tout ce que vous voulez, tout ce ramassis de fesses molles au cerveau corrompu n’agacent à la vérité jamais qu’en superficie, car tout antisémite un tant soit peu visionnaire sait que leurs actions dégoûtantes les placent en première ligne de leur propre fourberie (pour les uns : Juifs de gauche de façade), et de leur propre bêtise (pour l’écrasante majorité des autres : Juifs de gauche idiots utiles). Mais LUI, Juif intègre et authentique, lui pose VRAIMENT problème à tous les épris d’universel total, tous ces amoureux fous aveugles de l’humanité avec un grand H comme dans Haine de l’autre, Haine du discordant, Haine du résistant, bref Haine du spécifique. LUI, ce Juif des origines, des racines et de la mémoire souvenue et assumée, LUI c’est le BIG problème. Y a comme un malaise. Or nous vivons le règne du no malaise. Il incombe de résoudre l’inadmissible problème. Chaque représentant de la paix dans l’univers exige une Solution... à laquelle apposer son point Final. " C’est si simple, me confiait Charlotte encore hier, il suffirait qu’on vive tous ensemble. Ce sont ces putains de murs qui foutent la merde. "
Ma cousine a bigrement raison. Petite futée va... Suite à quoi les dictatures arabes tomberont l’une après l’autre. N’est-ce pas ?
Je renonçai à m’informer.
La sage initiative tombait à point nommé car maman interpellait.
" On bouffe !
– J’arrive. "
Je descendis la bectance en deux minutes montre en main et pris congé de table, empochant au préalable un multivitamines sans sucre ajouté. J’installai le portable sur mes genoux et mes fesses sur le fauteuil club. Le curseur patientait mes instructions.
Pas de geste brusque, songeur, j’attendis l’inspiration. L’écriture est un acte d’isolement. À moins que l’isolement soit un acte d’écriture.
Loin des hommes loin des morts.
On passe sa vie à refouler mais un jour ça remontera et on sera tout seul ce jour-là. Le libre penseur finira libre et seul. Parfois je me demande dans quelle mesure il est encore possible de me proclamer représentant de celui que j’ai été. Une rupture a éventré mon identité, je suis un autre, une altérité. Ce constat rend comme un goût schizophrène à l’histoire de mon existence. Mon existence... J’encode "existence" dans la fenêtre de recherche Google. L’encyclopédie libre Wikipédia se hisse seconde d’un instantané recensement de 300 millions de pages. J’appelle le lien hypertexte ; de fil en aiguille me voilà à potasser l’Existentialisme. Il faut savoir que mon premier contact avec l’illustre philosophe germanopratin se nomma La nausée. Par hasard dois-je dire : une antique édition héritée d’un oncle à mon père, le tout fourré dans une grosse caisse crasseuse. Outre la pile de Playboy avait émergé l’ouvrage racorni. Je ne fus pas déçu. Quel esprit d’analyse ! Playboy, une valeur sûre. Sur ma lancée j’avais alors tenté le Sartre pour voir. On ne sait jamais... après tout, soyons ouvert. Arrivée page 40... dans un premier temps. Un peu guindé, non ? Mais on se remotive malgré tout, parce que tout de même, au nom de la réputation ! Reprenons depuis le début.
Six mois plus tard... page 13. Je résolus d’en rester là. La philosophie ? Pas mal le trip, mais si c’est pour consacrer sa vie entière à gratter des choses douteuses à l’attention de lecteurs non moins douteux, autant passer directement au roman, ça évite de barber tout le monde et d’attirer les vicieux.
J’observai à nouveau ce qui se tramait derrière ma fenêtre. Le bleu avait conquis le ciel, seule une trace blanchâtre subsistait, qui découpait le bleu avec rectitude. Un avion. La journée s’annonçait magnifique. Il était hors de question que je sortisse. Il suffisait d’une infime variation de luminosité pour que trente-six mille sourires en débardeur déboulassent de partout. L’ignoble épandage... C’est alors que je reçus un appel en ligne anonyme que ma curiosité me poussa à accepter. Je pris la précaution de limiter l’échange au mode phonétique.
" Billy ? Je suis bien chez Billy ? "
Cette voix désagréablement familière... Je cherchais à lui mettre un visage. Je l’avais sur le bout de la langue !
" Billy ! Quelles nouvelles ? Tu te caches ou quoi !
– Vivons heureux vivons cachés. "
Je faisais le malin sans pour autant élucider le personnage mystère. Un violent rire éclata à l’autre bout du fil.
" T’as pas changé Billy. L’intact sens de l’humour !
– On fait ce qu’on peut.
– Quoi de neuf sinon ?
– Je pense. " Silence. " Oui c’est ça. Je pense. " Un silence embarrassant vite terrassé.
" Billy, j’ai un super coup ! En Chine mec, une affaire du tonnerre... Mon vieux ! t’en reviendras JAMAIS. "
Les gens et leurs histoires, en effet, je n’en désirais plus revenir. Mais Paul Clémors collait comme une mouche à merde. Une incontestable mouche à merde. Persistante, opiniâtre, une mouche à projets. Il souffrait d’une sinusite ; sinon j’aurais reconnu ce salopard depuis longtemps.
" Le zinc mon pote, le zinc !
– Le zinc ?
– Le cuivre aussi !
– Le cuivre ?
– L’aluminium ! Et le nickel ! On sert d’intermédiaire... point barre. "
C’est vrai me dis-je, le cours en bourse explose à plus savoir.
" Alors vieux briscard, dit-il, c’est tout ? rien se passe dans le caleçon ? "
Il devait se dire que j’étais bien rouillé. Je cherchai un mensonge de circonstance pour me dépêtrer.
" Tu sais, dis-je, j’ai un tas de plans. "
Mensonge bien trop vague. Billy... Tu crois que Clémors va comprendre qu’il s’agit d’une fin de non-recevoir ? Laisse-moi rire.
Je me rendais compte après coup. C’est-à-dire une phrase trop tard. Une phrase de trop. La mienne qui plus est. J’avais créé le boulet qui servirait à m’enchaîner le pied.
" Tu sais comment, Paul. Les plans ça accapare tout le jus. C’est fou ! même la nuit j’en rêve... "
Raté. Une fois de plus j’avais raté le coche. J’avais regretté cette énième tentative avant même de la finir. Je sonnais creux. Les humiliantes explications... On finit par ressembler à rien. Ce n’est pas grave ! Monsieur Clémors ne se démoralise pas si facilement ; j’aurais dû le prévoir. Le seul bon mensonge est le mensonge définitif. Un mauvais mensonge crée des appels d’air.
" Tu m’étonnes ! s’exclama Paul, lâche le morceau ! Tes plans : je suis preneur.
– Paul, Paul, Paul... Mais mon cher Paul, les projets ça ne se raconte pas. C’est les victoires qu’on célèbre. "
J’étais inspiré. Malheureusement lui aussi.
" Ha ! fit-il, ha ha ! je te reconnais bien là. "
Il allait repartir. Je finis par arrêter ma pensée.
" Tu es bien le seul.
– Oh ! J’allais oublier Billy... ça m’est complètement sorti de la tête. Priyanka m’attend pour dîner et... "
Cette fois le message était parvenu à destination. Son heureux destinataire cherchait donc une excuse.
" ...ses parents ont débarqué de New Delhi hier soir. Je t’avais dit pour ma nouvelle ? A-d-o-r-a-b-l-e.
– Eh bien, Paul, c’est chose faite. "
Si après ça il n’était pas refroidi...
J’avais réussi. L’ambiance pesait ; de part et d’autre. Paul liquida l’affaire.
" On se reparlera Billy. Je te maile courant de semaine. Bonne chance ! "
Parfois je souhaiterais non pas la mort de tous ceux qui concoururent à cette sinistre farce mais bien leur néant pur et simple. C’est fou comme l’existence bascule, un rien et on n’en revient plus. Un jour on se met à penser et le lendemain on est condamné. Tous ces gens qui pensent ces choses sur nous, ces dossiers dans leurs mémoires, les monstres, ils nous déforment ignoblement. Chaque rencontre mutile. On ne sort jamais indemne de l’autre.
Les souvenirs se mirent à repasser, et repasser...

Ecrit par Jokeromega, le Jeudi 2 Août 2007, 08:22 dans la rubrique "1.La farce des abîmés".