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Ces pensées qui abîment, Agence cybernétique de songerie adulte

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Un drôle de zouave

--> épisode 4

Fac de gestion. Le prof barbe l’auditoire. J’en veux pour preuve, tout le monde prend des notes. Les gens adorent perdre leur temps et ne ratent pas une occasion d’en perdre davantage. Quoi de plus rassurant ? Chaque minute perdue est un point de repère.
J’en garde une bien belle photo de la faculté... On y élève au bon grain. Un coq bavait ses andouilles... un peu plus bas trois cents vermisseaux ouvraient le bec sans conviction. Plouf dedans... " Donnez-nous un diplôme ! " On discute après. La vie de fac engendre la famine spirituelle, j’ai jamais observé ailleurs qu’en ce lieu aussi forte densité de cadavres, existences faméliques.
C’est triste, il n’y a rien à faire, il incombe d’être seul, cela semble la seule voie de l’homme de pedigree. Le groupe handicape. Faut s’amputer des autres. Difficile tâche... La mémoire est un rouleau opiniâtre. Parfois indélébile. Surtout quand on a décidé d’oublier. C’est là que ça ne part plus !
Le prof remballe son barda, heureux d’avoir correctement bourré ; l’heure du casse-croûte a sonné. Les étudiants se précipitent vers la sortie. Les commentaires ne tardent pas.
" C’est marre de gober ses merdes !
– Je m’en branle. Du moment que je dégotte un taf. "
Cet échange subsume l’esprit estudiantin. Scatologie, emploi et onanisme. C’est après qu’ils deviendront difficiles. Lorsqu’ils auront pris de la bouteille et quelques revers. Ils y regarderont alors de plus près.
J’emprunte l’escalier central débouchant sur le hall d’entrée. Soudain une révélation. La lumière tombe crûment. Je vois !... Je vois la photo du problème, sa genèse, son malheur. L’énorme verrue sur la lèvre et la pustule sur la joue surplombée par une oreille détachée et croquée en forme de chou-fleur. Certes, le profil gauche s’en sort pas mal – quand on a vu ce que peut donner le droit. De robustes lunettes rectangulaires viennent couronner le tout sur un nez de turc. Comme on dit, ceci explique cela.
Paul Clémors.
C’est par une magnifique après-midi ensoleillée que le transfuge Clémors avait débarqué chez nous. Il venait de France. De Valenciennes très exactement. Des jeunes en difficulté l’avaient passé à tabac. Ce jour-là Paul s’aidait d’une béquille ; sa tête ressemblait à un pastèque. Selon la rumeur, à la fin ils avaient fini par le saucissonner au poteau horaire d’un abribus. " Le pauvre ! " entendit-on, " c’est une victime ! " se lamenta un autre, " on n’a pas le droit de faire ça à un homme ! " L’auditoire se scandalisa un bon moment.
" Ceux qui ont fait ça sont des monstres. "
Ça devenait lourd. Il fallut désamorcer.
" N’empêche, répliqua une voix parmi les bancs, ça leur fait un monstre de moins ! "
La laideur de Paul n’était pas passée inaperçue.
" Des lâches.
– Des mous du genou qui tapent en bande !
– Parce que toi tu t’attaquerais tout seul à Elephant Man ? " Ouch... Ils étaient lâchés. Le bon mot ne discontinua plus de tout le jour ainsi que les suivants. Entre temps l’animal découvrit son pelage. Pas rien d’espèce ! Sacré morceau. Ah mon bon Paul... Avec toi, chaque moment passé était un grand moment infâme de plus.
L’étudiant Clémors s’avéra particulièrement mauvais, d’un genre presque exotique.
" Comment va Billy ! "
Paul Clémors, comme tous les fâcheux, avait pris l’habitude de me héler dès qu’il le pouvait (il s’accrochait).
" Ça va comme ça peut, dis-je, et toi ?
– On ne peut mieux. Mate-moi le cul de la chiennasse ! Je lui bouffe les hémorroïdes quand elle veut.
– Du moment que tu lui épargnes les tiens ", fit remarquer un condisciple avisé.
Le groupe de filles le plus proche rangea prestement ses affaires et disparut non sans me jeter des coups d’œil aigris. Vous savez comme la réputation se construit ; qui s’assemble se ressemble. La paire était faite. On devenait tache immense... monstrueuse affaire ! D’ailleurs la misogynie n’était pas la seule corde à l’arc de Paul. Il fit également montre d’un bel esprit d’égalité.
" Moi, ça m’est égal la peau. Je fais la peau à tout le monde. Jamais lâcher Billy, jamais... " Il me conseillait. " Toujours prendre... Jamais avoir peur d’y laisser des plumes. Perds aujourd’hui, gagne demain. La roue tourne... Lâche-leur des miettes !... Après-demain tu rases tout. " Il s’emballait... m’entretenait de projets africains. " En Sierra Leone se trouve tellement de diamants qu’on coupe les mains ! "
C’est après que l’Asie lui monterait au cerveau. Paul Clémors vivait par vengeance sur la vie. Jalousie du moche ! Plaisir crapuleux. Il n’aurait pas pu devenir heureux. C’était d’autres voluptés pour lui.
On remonta la rue bondée de minettes fort désirables, j’essayais de pas trop bigler pour pas me décourager. Paul se rinçait l’œil... mit la main ! Paf ! " Tu me dégoûtes ". La fille était sincèrement écœurée. " Tout le plaisir est pour moi mademoiselle. " Il s’excitait à force d’excuses... tant qu’il avait affaire à une bombe ; sinon il se montrait impitoyable. Paul était amoureux de la beauté. C’est pourquoi il était si laid. Afin de mettre en valeur l’objet de tous ses désirs.
On s’aventura dans un petit snack-bar. Menu boulettes sauce tomate frittes en promotion. Il faisait une chaleur de turc. " Tant pis ! me confia-t-il, la faim ou rien ! Une mitraillette mademoiselle.
– Avec ou sans sauce ?
– Non à ton avis ? Tu veux peut-être que je garnisse moi-même ! " Il dézippa sa braguette mais heureusement, contre toute attente, la fille se mit à rire de bon cœur. On avait évité le pire. Paul m’attira à la table du fond, " pour mieux les voir arriver ". Et en effet, une condisciple aux cheveux peroxydés ne tarda pas à faire son entrée.
" Trop conne, remarqua Paul, mais trop bonne. " Il réfléchit un instant. " Dans le cul direct. " Une autre entra, une rousse, inconnue au bataillon, qu’il mata l’eau à la bouche. La rouquine le niait outrageusement mais cela ne semblait pas le décourager le moins du monde ; que du contraire. La serveuse déposa nos plateaux.
" Alors ? l’interpella-t-il.
– Alors quoi ? " La serveuse le dévisageait avec autorité. Paul n’avait rien vu venir et bredouilla :
" Euh... rien.
– C’est bien ce que je pensais. "
La serveuse venait de l’achever.
" Saoulant ce cours de fiscalité ", déclarai-je avec lassitude dans le but de détourner l’attention. Paul me concéda qu’on n’avait pas eu grand chose à se mettre sous la dent mise à part cette histoire de contrôleur d’impôt qui s’était vaillamment acharné sur cette grosse boîte d’un secteur d’activité stratégique. Alors qu’il discourait Paul soudain s’arrêta net, me fit un clin d’œil et son œil restant me zieuta en coin.
" Te rends-tu compte que ce con est encore en vie ? " Il sortit un mouchoir de sa poche et se moucha vigoureusement. " Parce que, ce serait moi... "

Je me réveillai en sursaut le front trempé.

Ecrit par Jokeromega, le Dimanche 22 Avril 2007, 16:15 dans la rubrique "1.La farce des abîmés".


Commentaires :

  M
27-04-07
à 16:02

Moi la fac moins je la voie mieux je me porte... le problème c'est que les plus entêtés vous traquent même au dehors... j'esquive pourtant... mais les amis c'est terrible.


  Jokeromega
27-04-07
à 17:41

Re:

Nos facs (en Belgique comme en France, leurs doctrines d’enseignement étant cousines) ont pour but premier de dégoûter afin de sélectionner les plus habiles – par le dégoût. Un jour un prof de micro-économie me lâcha carrément le morceau : " Vous savez, selon une étude machin-chose, la sélection est indépendante de la méthode de sélection employée ; à la fin, ce sont toujours les mêmes qui passent. Les meilleurs éléments s’en sortent toujours, d’une manière ou l’autre. "
Je pense que ce propos illustre à merveille le caractère marchand, académique et sclérosé de nos systèmes d’éducation. Pourtant ce professeur était un brave type, mais il avait baissé les bras, ayant bien compris que ce qui compte c’est de dresser. Apprenez-leur à mordre ! Au diable ce qu’ils mordront.
Quelques années auparavant j’avais goûté à la physique supérieure, et si le côté marchand y est plutôt absent, les professeurs n’en sont pas moins sclérosés. Pas de vie ! Ces gens sont des machines à calculer (performantes, j’en conviens). Par ailleurs les trois quarts des étudiants en sciences " très grande distinction " se vantent tous de la même façon : " Ah oui, tu étudies toi ? Non, moi une demi-heure par jour me suffit. " Entre ceux qui triment comme des esclaves et ceux qui mentent sans jamais s’étouffer (et croient à leur propre mensonge) je n’en ai trouvé qu’un de valable... c’est moi ! Et dites-vous que je force à peine le trait.
Quant aux condisciples un peu trop collants, ma foi, si dans le tas on déniche une pépite, je dis que le jeu en vaut la chandelle. Ce fut mon cas.

Curieusement, ceux que l’on attendrait les plus marchands, nos amis les Anglo-saxons, dispensent un enseignement autrement plus instinctif, efficace, et flexible. Ils méprisent le " par cœur " et incitent à l’originalité. Ils travaillent moins et aboutissent à plus ! Au bout du compte, devinez la société qui montrera la meilleure santé...


  M
02-05-07
à 01:56

Re:

J'adhère à ce que tu dis... le fait est que la fac est un mensonge permanent. Mais un mensonge c'est sensé mèner quelquepart. Ah la méritocratie et l'égalité des chances... depuis quand la chance appartient à tout le monde. La chance c'est de voir où l'on va, c'est pas savoir ce que l'on veut. On fait miroiter beaucoup de choses aux étudiants. L'université est une bulle au départ faut l'accepter ou partir. Moi je l'a prends comme un travail. C'est con, mais on dirait que je vais déjà au boulot. La vie sociale ? Connait pas. Bon c'est bien une faculté de droit remarque. Question de se marrer, c'est les premiers. Mais ils se marrent pas sur les bons trucs, c'est çà le hic. Alors moi je trace la route... comme un papillon sans ailes. On verra bien ce que je ferais pour gagner mon pain. Faut pas s'en mettre trop plein le crâne avec ces choses là.

Travailler plus pour gagner plus qu'il dit lui le nain... mais c'est quoi travailler ? Ils se la pose pas la question du pourquoi travailler. Et puis avant de travailler plus faut déjà travailler. Enfin peut-être, comme le disait Picasso : "Un métier çà ne s'apprend pas".


  Jokeromega
04-05-07
à 00:48

Re:

Je ne crois pas à la vision socialiste du partage du travail. Les socialistes vieux jeu ont une vision mesquine de la société. Moi je crois à l’émulsion collective. Je crois à la compétition loyale et non à la pétition Royal. Je crois qu’il faut s’enrichir avant de pouvoir donner.
Le reste n'est qu’arguties de toto (tolérant totalitaire, vocable fait maison dont je suis très fier :D).
Sinon je te renvois ici pour de plus amples informations. ;-))

PS: ton adresse IP s'enrage ou quoi?